Par: Juanita Bawagan
23 Août, 2018
Un nouveau catalyseur transforme les gaz à effet de serre en hydrocarbures renouvelables
Une équipe de recherche dirigée par Ted Sargent a conçu le processus le plus efficace et le plus stable pour la conversion de dioxyde de carbone en un élément chimique constitutif clé des plastiques.
Une nouvelle technologie constitue un pas de géant vers la fabrication de plastiques à partir de deux ingrédients clés : le soleil et la pollution.
Aujourd’hui, les combustibles fossiles non renouvelables fournissent non seulement la matière première pour la fabrication de plastiques, mais ils sont aussi le carburant utilisé dans les processus de fabrication, menant à la création de dioxyde de carbone (CO2) qui réchauffe le climat. L’Agence internationale de l’Énergie estime que la production des précurseurs principaux des plastiques est responsable de 1,4 pour cent des émissions mondiales de CO2.
Une équipe dirigée par Ted Sargent, directeur du programme Énergie solaire bioinspirée, à l’Université de Toronto, est en train de transformer ce processus. Les chercheurs envisagent de capter le CO2 produit par d’autres processus industriels et d’utiliser de l’électricité renouvelable, comme l’énergie solaire, pour le transformer en éthylène. L’éthylène est un produit chimique industriel courant qui est un précurseur de nombreux plastiques, comme ceux utilisés dans la fabrication de sacs d’épicerie.
Les résultats, publiés dans la revue Science, font suite à des discussions continues au sein du programme Énergie solaire bioinspirée du CIFAR. Sargent dit que les interactions entre divers scientifiques, particulièrement des chercheurs qui étudient la photosynthèse naturelle et artificielle, ont joué un rôle clé dans cette percée.
Le système vise à résoudre un problème clé associé à la capture du carbone. Quoiqu’il existe des technologies pour filtrer et extraire le CO2 des gaz de combustion, la substance a peu de valeur économique actuellement pour compenser les coûts associés à sa capture – il s’agit donc d’une proposition sans intérêt sur le plan financier. En transformant ce carbone en un produit ayant une valeur commerciale, comme l’éthylène, l’équipe vise à encourager les entreprises à investir dans des technologies de capture de carbone.
Au cœur de la solution de l’équipe se trouvent deux innovations : l’utilisation d’un catalyseur à base de cuivre paradoxalement mince et une stratégie expérimentale réinventée.
« Quand nous avons procédé à la conversion du CO2 en éthylène dans un milieu très basique, nous avons découvert que notre catalyseur avait amélioré comme jamais l’efficacité énergétique et la sélectivité de la conversion », a dit Cao-Thang Dinh (Université de Toronto), premier auteur de l’article. Dans ce contexte, une plus grande efficacité veut dire qu’il faut moins d’électricité pour réaliser la conversion. Les auteurs ont ensuite appliqué ces données pour améliorer d’autant plus le catalyseur et pousser la réaction afin de favoriser la formation d’éthylène, plutôt que d’autres substances.
Ensuite, l’équipe s’est penchée sur la question de la stabilité qui constitue un défi de longue date avec ce genre de catalyseur à base de cuivre. La modélisation théorique démontre que des conditions basiques (un pH élevé) sont idéales pour catalyser la conversion de CO2 en éthylène. Toutefois, dans ces conditions, la plupart des catalyseurs et des supports catalytiques se dégradent en moins de dix heures.
L’équipe a surmonté ce défi en modifiant l’installation expérimentale. Essentiellement, ils ont déposé leur catalyseur sur une couche de support poreux composé de polytétrafluoroéthylène (PTFE, mieux connu sous le nom de Teflon) et ont mis une couche de carbone de l’autre côté. Cette nouvelle configuration protège le support catalytique et le catalyseur de la dégradation causée par la solution basique et leur permet de durer 15 fois plus longtemps qu’avant. En prime, cette configuration a amélioré d’autant plus l’efficacité et la sélectivité.
« Nous savions depuis des décennies que d’exécuter cette réaction dans des conditions basiques nous aiderait, mais personne ne savait comment exploiter cette donnée et la transférer dans un système pratique », dit Dinh. « Nous avons démontré comment surmonter ce problème. »
Le système est maintenant capable de réaliser la conversion à l’échelle du laboratoire pour produire plusieurs grammes d’éthylène à la fois. L’objectif à long terme de l’équipe est la mise à l’échelle de la technologie pour convertir les nombreuses tonnes de produits chimiques nécessaires à l’application commerciale.
« Dans ces recherches, nous avons réalisé trois percées simultanées : sélectivité, efficacité énergétique et stabilité », dit Sargent « Notre groupe souhaite ardemment mettre au point des technologies qui contribueront à relever le défi mondial que constitue la création d’un avenir carboneutre. »
« La conversion du CO2 en un produit utile constitue la prochaine frontière en matière d’entreposage d’énergie renouvelable et de produits chimiques renouvelables », a dit Shaffiq Jaffer, conseiller au CIFAR.
Jaffer est vice-président, projets scientifiques et technologiques d’entreprise, chez TOTAL, un grand producteur et fournisseur d’énergie en France qui parraine ces recherches.
« La percée réalisée à Toronto prouve qu’il est possible de transformer l’électricité et le CO2 résiduaire en des produits chimiques utiles pour le secteur pétrochimique. Grâce à cette percée, le milieu industriel se rapproche de l’établissement d’un cycle fermé du carbone d’une manière analogue à la photosynthèse naturelle. »
Voilà un autre exemple des forces en recherche que l’université partage avec des partenaires au Canada. « Félicitations à Ted Sargent et à ses collègues du programme Énergie solaire bioinspirée du CIFAR. Cet article publié dans la revue Science témoigne de la force de la collaboration interdisciplinaire entre scientifiques pour se pencher sur des questions d’importance pour le monde », a dit Alan Bernstein, président et chef de la direction du CIFAR.
Le groupe multidisciplinaire qui réunit une expertise en science des matériaux, en génie chimique, en chimie et en génie mécanique offre de nouvelles perspectives dans le domaine. Plusieurs membres participent aussi à CERT, l’équipe de l’Université de Toronto qui vient tout juste de passer à la ronde finale du NRG COSIA Carbon XPRIZE. Le concours Carbon XPRIZE lance le défi à des groupes de l’industrie et du milieu universitaire de capter les émissions de carbone de centrales électriques et de les convertir efficacement en produits chimiques utiles.
Cet article a été publié avec l’autorisation de l’Université de Toronto et une version a d’abord été publiée ici.