Par: Alan Bernstein
11 Fév, 2019
En tant que stagiaire postdoctoral à Londres dans les années 1970, j’ai cherché à comprendre comment les rétrovirus, une famille particulière de virus, causaient le cancer chez le poulet.
Ce champ d’études a posé problème lorsque j’ai présenté une demande de bourse pour faire face au coût élevé de la vie à Londres. Pourquoi étudier les rétrovirus qui, pour la plupart, ne causent pas de cancers chez l’humain (bien que le VIH, la cause du SIDA, soit aussi un rétrovirus)? Et pourquoi étudier le cancer chez le poulet et non chez l’humain? Parce que nous estimions qu’en étudiant ces virus, dont le génome est environ 300 000 fois plus petit que le nôtre, nous pourrions réussir à mieux comprendre le fondement moléculaire de tous les cancers.
À notre grande surprise et à notre grand bonheur, voilà précisément ce qui est arrivé! Les recherches sur les rétrovirus aviaires ont eu de nombreuses répercussions : découverte de gènes associés au cancer chez l’humain, transformation de notre compréhension du cancer et mise au point, étonnamment rapidement, de médicaments, comme l’Herceptin et le Gleevec pour le traitement du cancer du sein et de la leucémie myéloïde chronique, respectivement. Aujourd’hui, on peut établir un lien direct entre la filière de développement de médicaments contre le cancer et ces recherches fondamentales menées il y a 40 ans, des recherches qui, de prime abord, ne semblaient aucunement pertinentes pour le cancer chez l’humain.
L’histoire de la découverte des oncogènes humains n’est qu’un exemple parmi tant d’autres du lien étroit entre la recherche fondamentale et l’innovation. La recherche fondamentale s’inspire de la curiosité de l’inconnu et du désir de comprendre le monde qui nous entoure. Elle mène à des découvertes qui constituent le fondement de la résolution de problèmes bien concrets. L’histoire de la science et de l’innovation déborde d’exemples qui illustrent ce principe : la meilleure façon de stimuler l’innovation est d’œuvrer à l’appui de la recherche fondamentale.
Depuis près de quarante ans, le CIFAR soutient la recherche fondamentale dans tous les domaines scientifiques dans l’objectif de mieux comprendre les mondes physique, biologique et social qui nous entourent et d’acquérir des connaissances fiables sur ceux-ci, et d’admirer la beauté de notre Univers et de créer une plateforme de connaissances solides et fiables à partir de laquelle bâtir de nouvelles technologies et formuler des politiques publiques fondées sur les résultats probants.
Le soutien que nous offrons à l’intelligence artificielle (IA) et à l’apprentissage automatique constitue l’exemple parfait du lien essentiel qui existe entre la recherche fondamentale et l’innovation. Dans les années 1990, nous avons lancé un nouveau programme en IA (aujourd’hui appelé Apprentissage automatique, apprentissage biologique) dirigé par Geoff Hinton (aujourd’hui Membre distingué du CIFAR) et réunissant divers autres chercheurs, comme Yoshua Bengio et Yann LeCun (maintenant codirecteurs du programme Apprentissage automatique, apprentissage biologique) pour poser des questions fondamentales sur les mécanismes d’apprentissage chez l’humain et voir comment exploiter cette nouvelle compréhension au profit de l’apprentissage automatique. Aujourd’hui, ces chercheurs sont vus comme les parrains de l’IA. Leurs recherches et celles des autres membres du programme ont lancé la révolution de l’IA. Cette révolution est en train de tout changer, qu’il s’agisse entre autres de la médecine, du transport ou des services bancaires.
De même, des travaux antérieurs réalisés au sein du programme Santé des populations (qui a lui aussi évolué et qui s’appelle aujourd’hui Développement du cerveau et de l’enfant) ont mené directement à une meilleure compréhension de l’importance des premières années de la vie d’un enfant. Aujourd’hui, ce programme cherche à comprendre les fondements moléculaires, cellulaires et sociétaux du développement du cerveau au cours des premières années de la vie qui déterminent une trajectoire de santé physique et mentale optimale pour toute la vie. En retour, cette meilleure compréhension a éclairé la formulation de politiques publiques et a mené à la création de prématernelles à plein temps, subventionnées par l’État, au Canada et à l’étranger.
Le lien étroit qui existe entre la recherche fondamentale de calibre mondial et son application ultime au développement de nouvelles technologies transformatrices ou à l’élaboration de politiques publiques est ce qui confère à la science son pouvoir exceptionnel. Voilà pourquoi nous sommes reconnaissants aux gouvernements, aux entreprises, aux fondations et aux particuliers de leur soutien si généreux au profit du CIFAR. Ensemble, nous changeons le monde.