Par: Jon Farrow
14 Nov, 2019
Un comité d’experts présidé par B. Brett Finlay, codirecteur du programme Microbiome humain du CIFAR, publie son rapport et met en garde contre les graves conséquences de l’inaction.
Les bactéries qui causent la maladie peuvent s’adapter et changer, et acquérir la capacité d’échapper aux médicaments conçus pour les tuer. Ces bactéries antibiorésistantes constituent une menace pour la santé publique et sont directement responsables de 5400 décès au Canada chaque année. L’utilisation abusive et inadéquate des antibiotiques a mené à l’accélération de la résistance, et les gouvernements et les chercheurs du monde entier ont maintenant comme priorité de comprendre l’ampleur de ce problème.
Un nouveau rapport du Conseil des académies canadiennes démontre qu’en 2018 environ le quart des infections étaient résistantes aux médicaments habituellement utilisés pour les traiter. Sans antibiotiques efficaces, des infections comme la pharyngite streptococcique ou la pneumonie peuvent menacer la vie. Les experts prédisent que d’ici 2050, les taux de résistance pourraient atteindre 40 % et avoir des conséquences catastrophiques pour les Canadiens et l’économie.
Nous avons demandé à B. Brett Finlay, président du comité d’experts et codirecteur du programme Microbiome humain du CIFAR, de nous parler du rapport.
Selon vous, quelle est la constatation la plus étonnante du rapport?
B. Brett Finlay : Pour moi, la chose la plus étonnante est l’ampleur du problème. J’avais bien sûr entendu parler de la résistance aux antimicrobiens (RAM) avant de présider ce comité, mais je n’avais aucune idée que la résistance aux antimicrobiens de première intention était déjà de 26 % au pays et que d’ici 2050 près de 400 000 personnes pourraient mourir (300 millions dans le monde entier) d’une infection bactérienne antibiorésistante.
Quelles sont les erreurs que nous avons commises et qui ont mené à ce grave problème?
B. Brett Finlay : Nous sommes au courant de ce problème depuis la mise au point des premiers antibiotiques, et la résistance avait alors été prédite et observée. Toutefois, la résistance a continué à augmenter de façon progressive. Le problème est maintenant trop gros pour être ignoré et continuera à s’aggraver.
Les antibiotiques sont ni plus ni moins des médicaments miracles, mais nous en avons fait une utilisation excessive et abusive. Notons, par exemple, une utilisation abusive en agriculture sous la forme de suppléments de croissance (une pratique qui a heureusement pris fin au Canada), une surutilisation dans le domaine des soins de santé causée par la surprescription par les médecins (par exemple, donner des antibiotiques pour une otite virale), ou une utilisation inadéquate par le public qui ne prend pas l’antibiotique pendant la durée prescrite ou qui coure les médecins jusqu’à l’obtention d’une ordonnance.
Que peut-on faire pour lutter contre la résistance aux antimicrobiens?
B. Brett Finlay : Dans ce rapport, nous recommandons quatre domaines d’action principaux :
Brossez le portrait d’un avenir où nous avons réussi à redresser la situation et à maîtriser la RAM.
B. Brett Finlay : Nous pouvons nous inspirer de ce qui se fait dans les pays scandinaves où des efforts considérables ont été déployés pour exécuter les stratégies que j’ai mentionnées. Grâce à leurs efforts acharnés, ces pays ont réussi à abaisser le taux de résistance à environ 10 % (nous sommes à 26 %).
Je participe à une grande étude en Colombie-Britannique où nous avons réduit l’utilisation des antibiotiques chez les enfants de 0 à 1 an de 70 % à 38 %, ce qui s’est traduit par 1250 cas d’asthme de moins par année en Colombie-Britannique.
Pourquoi le programme Microbiome humain du CIFAR que vous codirigez est-il si important dans le contexte de la croissance de la résistance aux antimicrobiens?
B. Brett Finlay : Ce programme du CIFAR étudie les interactions entre l’être humain et ses microorganismes. Nous savons que ces microorganismes ont de profonds effets sur la santé et la maladie humaines. Les antibiotiques bombardent les microorganismes sans discrimination et entraînent de nombreux effets sur nos propres microorganismes, ainsi que sur les maladies dont nous souffrons.
Par exemple, l’administration d’antibiotiques tôt dans la vie entraîne une augmentation considérable des taux d’asthme, d’allergie et d’obésité et, plus tard dans la vie, les antibiotiques sont associés à l’anxiété et à la dépression. Conséquemment, une meilleure compréhension de la relation entre l’être humain et ses microorganismes nous permet d’être mieux renseignés sur le mode d’action des antibiotiques, les conséquences sociales et les mesures à prendre en cas d’infection.
Quel est le message le plus important que vous souhaitez transmettre aux gens dans ce rapport?
B. Brett Finlay : Voyez les antibiotiques comme une ressource précieuse. Utilisés correctement, ils sont un médicament miracle, mais il ne faudrait pas en abuser.
Voici quelques conseils sur la façon d’utiliser les antibiotiques comme une ressource précieuse :
Le présent entretien a été modifié par souci de longueur et de clarté, avec la rétroaction de l’interviewé.
Gerard Wright, boursier du programme Règne fongique : Menaces et possibilités du CIFAR, a aussi siégé au comité d’experts.
Pour obtenir de plus amples renseignements, ainsi qu’une copie du rapport intégral, veuillez visiter le site Web du Conseil des académies canadiennes.