Par: Krista Davidson
12 Nov, 2020
Il s’intéresse tout particulièrement à la théorie des jeux, une approche computationnelle visant à comprendre comment différents acteurs ou agents ayant des intérêts concurrents interagissent entre eux et comment ces interactions façonnent les résultats.
Plus qu’une simple approche computationnelle, la théorie des jeux guide les décisions des entreprises, des gouvernements et des individus. Elle prédit comment le public percevra de nouveaux produits, comment les citoyens réagiront aux politiques et comment évolueront les investissements boursiers et les taux hypothécaires. La théorie des jeux a de plus en plus d’importance dans les secteurs privé et public. Kevin Leyton-Brown veut l’utiliser pour changer les choses.
Il se passionne pour les technologies d’IA qui permettent à l’humanité de relever des défis majeurs.
« Comme l’IA est largement financée par l’industrie, elle a tendance à répondre à un nombre limité de besoins, surtout dans les entreprises. Il existe davantage de recherches sur la façon dont l’IA peut améliorer l’efficacité des publicités que sur le développement de vaccins pour des maladies rares », mentionne le chercheur.
« De nombreux coins dans le monde ne sont pas touchés par l’IA parce que leurs réalités ne correspondent pas aux intérêts des entreprises, mais ce sont des endroits où l’IA pourrait vraiment faire bouger les choses », ajoute-t-il.
Kevin Leyton-Brown a vécu en Ouganda durant une partie de l’année sabbatique qu’il a prise en 2020. Pendant cette période, il a été particulièrement touché par une situation qui pouvait être améliorée par l’IA. Il a remarqué que les commerçants qui vivent en ville peuvent demander des prix compétitifs pour des produits et souvent écouler leur stock avant la fin de la journée. Pendant ce temps, leurs fournisseurs, situés dans des régions éloignées, peinent à trouver un marché pour leurs produits, même à bas prix. Étant donné que la plupart des Ougandais possèdent un téléphone mobile, il a développé et cofondé Kudu, une application mobile qui permet aux fermiers de trouver des acheteurs et de négocier des prix compétitifs.
Un autre projet a été réalisé en collaboration avec la Commission fédérale des communications (FCC) des États-Unis. Son équipe a développé un algorithme qui a permis à la FCC de vendre des bandes de fréquences aux enchères. La vente a été très profitable et a rapporté au gouvernement plus de 7 milliards de dollars qui ont servi au remboursement de la dette nationale. Par ailleurs, la disponibilité des fréquences a permis à l’industrie de la téléphonie mobile d’étendre son marché et de fournir un meilleur service au public.
Le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada lui a décerné la Bourse commémorative E.W.R. Steacie en 2014 pour ses recherches, en soulignant que son idée de vente aux enchères des bandes de fréquences serait probablement reproduite dans le monde entier. Kevin Leyton-Brown a également reçu le prix Franz Edelman pour ses réalisations en analyse avancée, en recherche opérationnelle et en sciences de la gestion.
« Nous avons pris quelque chose qui ne faisait plus de sens et l’avons utilisé pour créer un effet positif sur tout le monde », dit-il en parlant de son projet de conversion des ondes de radiotélédiffusion en bandes de fréquences pour la téléphonie mobile.
En plus de ses activités de recherche et de conseil aux entreprises, il donne un cours sur l’IA au service du bien social aux étudiants de troisième cycle de l’Université de la Colombie-Britannique. Récemment, ses étudiants ont mis au point un système utilisant des images satellites commerciales de prairies en jachère pour prédire l’humidité du sol. Utilisant des modèles climatiques existants et des modèles de développement des cultures, leur système peut fournir des recommandations d’irrigation pour augmenter le rendement des cultures dans les pays à faible revenu.
Kevin Leyton-Brown est boursier de l’Amii, professeur au département d’informatique de l’Université de la Colombie-Britannique et directeur du CAIDA (Centre for Artificial Intelligence Decision-making and Action) de l’ICICS (Institute for Computing, Information and Cognitive Systems) à l’UBC. Il a fait ses études supérieures à l’Université de Stanford, collaborant régulièrement avec Paul Milgrom, lauréat du prix Nobel de sciences économiques en 2020.