Par: Ekua Quansah et Elissa Strome
6 Juin, 2023
Les progrès de l’intelligence artificielle (IA) pourraient changer le monde dans lequel nous vivons, procurant au Canada et au reste de la planète des avantages sociaux, économiques et environnementaux. Toutefois, il pourrait aussi s’ensuivre des effets néfastes si la création et la mise en oeuvre de l’IA ne se font pas de manière responsable. Alors que les outils, produits et services basés sur l’IA ne cessent de se perfectionner et de se répandre, il est plus que jamais essentiel pour les personnes à l’origine des technologies de l’IA d’être le véritable reflet des diverses communautés servies par ces technologies.
Les peuples autochtones sont depuis longtemps exclus et sous-représentés dans l’enseignement et la formation en sciences, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM), malgré leurs contributions aux connaissances en STIM. Malheureusement, jusqu’à présent, le domaine de l’IA ne fait pas exception. À titre d’organisme de recherche international de premier plan et de responsable de la stratégie nationale en matière d’IA, le CIFAR est résolu à jouer un rôle déterminant dans l’accroissement de l’équité, de la diversité et de l’inclusion (EDI) en STIM. Et, dans nos rôles respectifs de responsable de l’EDI et de directrice générale de la Stratégie pancanadienne en matière d’IA, cette question nous préoccupe au plus haut point.
En gardant en tête les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, nous nous sommes efforcés de comprendre les obstacles auxquels sont confrontées les personnes autochtones en matière d’éducation et de formation en STIM.
En explorant les possibilités pour le CIFAR de contribuer à accroître le nombre de personnes autochtones qui étudient en IA, nous avons adopté le principe directeur suivant : «Rien sur nous sans nous» – un cri de ralliement utilisé de longue date par les groupes marginalisés dans le monde entier. Il nous rappelle que les personnes les plus touchées par les inégalités sociétales doivent se trouver à la tête et au coeur de toute action visant à remédier à ces inégalités. Nous avons rencontré des leaders autochtones dans le domaine des STIM et des responsables de programmes d’enseignements en STIM et en IA destinés à des personnes autochtones et non autochtones dans l’ensemble du pays, afin de comprendre les défis et de déterminer comment le CIFAR pourrait améliorer les choses.
Parallèlement, nous avons participé au Programme de leadership Mise en oeuvre de la réconciliation : inclusion et action du Forum des politiques publiques afin d’approfondir notre compréhension des pratiques exemplaires pour faire progresser la réconciliation, tant sur le plan personnel que professionnel. Nous avons ensuite suivi le cours Principes de propriété, de contrôle, d’accès et de possession (PCAP) du Centre de gouvernance de l’information des Premières Nations, afin de nous assurer que nous avions une compréhension fondamentale des principes qui déterminent comment les données et les informations des Premières Nations devraient être recueillies, protégées, utilisées ou partagées.
Grâce à une connaissance approfondie et à une collaboration constructive avec les partenaires, et en consultation avec des leaders autochtones et de l’IA, nous avons élaboré un plan en trois parties pour accroître la participation des personnes autochtones aux programmes d’enseignement en IA et lancé un programme pilote à l’été 2022. Voici ce que prévoit notre plan : 1) financement intégral des coûts directs et indirects pour toutes les personnes autochtones admises à un programme de formation en IA destiné à la prochaine génération et offert par le CIFAR et ses partenaires à travers le pays; 2) collaboration avec une équipe dirigée par des Autochtones en vue de bâtir un nouveau programme d’études visant à explorer les perspectives autochtones en matière d’IA et à l’intégrer dans tous nos programmes de formation en IA destinés à la prochaine génération; et 3) collaboration avec des partenaires en vue d’offrir une formation en IA aux jeunes Autochtones dans leurs communautés.
Actua, l’un des principaux organismes de sensibilisation et de mobilisation dans le domaine des STIM au Canada, est un partenaire clé dans nos efforts pour offrir une formation en IA aux jeunes Autochtones. Le programme national Jeunes Autochtones en STIM (A-STIM) d’Actua est le premier programme national du Canada conçu pour éliminer les obstacles à la participation des jeunes Inuits, Métis et des Premières Nations dans le domaine des STIM grâce à un enseignement axé sur le territoire.
«Il est essentiel que les voix autochtones s’expriment dans tous les aspects de l’espace de l’IA», a déclaré Doug Dokis, spécialiste-conseil du programme national A-STIM et membre de la Nation Anishinabe de Dokis dans le nord de l’Ontario. «Bien qu’il existe de formidables possibilités d’inclure l’IA dans la pratique autochtone en ce qui concerne la gestion des terres en tant que pratique culturelle, il y a aussi des éléments à prendre en compte au sujet des impacts éventuels de l’introduction de l’IA dans cet espace sur le savoir et la culture autochtones.»
Grâce à un partenariat avec le CIFAR, Actua a intégré un programme d’études sur l’IA dans son camp d’été axé sur le territoire, assorti de crédits d’étude et destiné aux élèves du secondaire, le camp culturel del’île Thompson de la Première Nation Akwesasne. De plus, au cours de l’année scolaire 2022-2023, l’équipe du CIFAR a eu l’occasion de rencontrer des leaders autochtones de la délégation des jeunes A-STIM d’Actua afn d’explorer avec eux les possibilités et les défs dans le domaine de l’IA.
Parallèlement à notre travail visant à promouvoir la participation et l’inclusion de la communauté étudiante autochtone en IA, nous continuons à mettre au point des programmes, des mesures de soutien et des ressources pour d’autres groupes sous-représentés en IA, notamment la communauté étudiante noire. Pour ce faire, nous avons récemment lancé la bourse Inclusivité en IA du CIFAR destinée aux personnes noires et autochtones, et un nouveau partenariat avec l’Institut Vecteur en soutien à des programmes de stages pour les personnes noires et autochtones.
Alors que nous continuons à mettre en place des initiatives de lutte contre la sous-représentation en STIM, nous sommes reconnaissantes des riches possibilités d’apprentissage que nous avons eues tout au long de ce travail. Les progrès réalisés jusqu’à présent sont le résultat direct de nos partenariats et collaborations, du leadership des communautés et des personnes, et de l’intégration de leurs connaissances et perspectives dans notre travail. Notre engagement en faveur du principe «rien sur nous sans nous» a été la clé pour faire tomber les barrières. Et le pouvoir de cette simple philosophie s’est révélé être la leçon la plus précieuse de toutes.