Par: CIFAR
29 Juin, 2018
La présente étude compare des prédictions computationnelles avec des mesures expérimentales pour démontrer l’importance de produire des espèces de nickel hautement réactives (Ni4+) pour la conversion catalytique d’eau en oxygène dans une solution à pH neutre.
La conversion de CO2 en combustibles et produits à base de carbone (comme le méthane, le monoxyde de carbone, le méthanol et l’éthylène) pourrait contribuer à réduire notre dépendance aux combustibles fossiles tout en atténuant les émissions nettes de CO2 par l’entremise d’un processus de recyclage du CO2. Pour ce faire, il faut d’abord convertir l’eau en oxygène, ce qui libère les électrons et les protons nécessaires pour transformer le CO2 en combustibles artificiels. Toutefois, en raison de l’absence de catalyseurs efficaces pour l’oxydation de l’eau dans des conditions à pH neutre – les conditions idéales pour la conversion du CO2 –, il faut beaucoup d’énergie pour alimenter le processus global avec un taux de production raisonnable.
Afin de réduire cette demande énergétique, et d’améliorer l’efficacité et le renouvellement à un pH neutre, le professeur Ted Sargent (directeur du programme Énergie solaire bioinspirée du CIFAR, Université de Toronto) et ses collègues ont récemment eu recours à une approche atomiste. Les chercheurs ont avancé que la clé est la production de sites métalliques hautement réactifs (plus spécifiquement, des espèces de nickel hautement chargées (Ni4+)) créés avec un intrant énergétique électrique minimal pour alimenter l’oxydation électrochimique de l’eau dans une solution à pH neutre avec une grande efficacité. Des études antérieures ont signalé des taux de conversion élevés à un pH neutre avec des catalyseurs métalliques contenant du phosphore, et Sargent et ses collaborateurs ont estimé que cela pourrait favoriser la formation d’espèces métalliques hautement réactives dans leurs propres catalyseurs. L’ajout d’autres métaux (comme le fer (Fe) et le cobalt (Co)) peut aussi accroître l’activité et l’efficacité de l’oxydation de l’eau, suggérant par le fait même un autre facteur clé pour l’optimisation de ces matériaux.
À cette fin, les chercheurs ont réalisé une série de simulations computationnelles pour comprendre l’effet de la présence de phosphore et d’autres métaux sur la stabilité des structures de nickel et, plus spécifiquement, sur la présence de Ni4+. Ils ont ensuite comparé les résultats de ces études computationnelles avec de véritables mesures expérimentales à l’aide d’une technique avancée appelée spectroscopie d’absorption des rayons x mous in situ (sXAS) pour trouver ces importants centres de nickel hautement réactifs dans leurs matériaux dans des conditions opérationnelles. En combinant leur catalyseur d’oxydation de l’eau à base de nickel optimisé avec un catalyseur de réduction du CO2 hautement actif, l’équipe de recherche a pu faire la démonstration d’un électrolyseur de CO2 pleinement fonctionnel dans un électrolyte à pH neutre avec une efficacité élevée, un intrant énergétique électrique faible et une stabilité à long terme pour la production de combustibles artificiels.
La présente étude a confirmé l’importance des dopants métalliques et à base de phosphore pour stabiliser les sites de nickel hautement réactifs dans des catalyseurs métalliques mixtes pour la conversion de l’eau en oxygène. Des calculs théoriques à l’aide de la théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT) et des mesures expérimentales à l’aide de sXAS ont tous deux confirmé la présence et la stabilité de Ni4+ dans des conditions opérationnelles, et cela constitue la clé pour obtenir une activité élevée dans ces matériaux. Le catalyseur à base d’oxyhydroxide de NiCoFeP a surpassé tous les autres catalyseurs à l’étude, y compris le catalyseur à base d’IrO2, le meilleur sur le marché, et cela fait la démonstration du premier catalyseur abondant sur Terre qui surpasse invariablement un catalyseur à base d’oxyde métallique pour l’oxydation de l’eau dans une solution à pH neutre. Il a été constaté que ce catalyseur fonctionne pendant près de 100 heures sans pratiquement aucune perte d’efficacité et, en combinaison avec un catalyseur de réduction du CO2 de pointe, il pourrait convertir l’eau et le CO2 en oxygène et en monoxyde de carbone avec une efficacité globale de 63 pour cent, sans pratiquement aucune perte d’activité sur de longues périodes d’essais.
La présente étude a d’importantes répercussions sur le développement commercial d’électrolyseurs de CO2. En particulier, l’optimisation des catalyseurs d’oxydation de l’eau dans un électrolyte à pH neutre constitue une étape importante pour réduire la quantité d’énergie nécessaire au fonctionnement de ces électrolyseurs, car ceux-ci requièrent habituellement deux électrolytes différents séparés par une membrane qui peut créer une résistance indésirable à travers le système. De plus, la stabilité à long terme démontrée par ces catalyseurs efficaces, abondants et peu coûteux constitue la clé de la mise au point d’un système d’électrolyse fiable à l’échelle industrielle. De tels systèmes, sous la forme la plus avancée, pourraient avoir des applications dans tout le paysage industriel, qu’il s’agisse de raffineries, d’usines de fabrication ou de postes de ravitaillement, voire, un jour, de résidences privées.