Par: Juanita Bawagan
10 Jan, 2018
Une nouvelle étude démontre que la seule source connue de sursauts radio rapides répétitifs (fast radio burst, FRB) est un environnement « extrême » qui se trouve parmi les régions les plus magnétisées de l’espace jamais observées. On a observé un tel environnement uniquement autour de trous noirs massifs, mais il pourrait aussi être le résultat de la combinaison d’autres circonstances astrophysiques extrêmes. Les nouvelles mesures pourraient offrir des indices importants sur la cause des FRB.
Les résultats ont été présentés à la rencontre d’hiver de l’American Astronomical Society à Washington, D.C. aujourd’hui et ont été publiés dans la revue Nature. Les recherches ont été réalisées par une initiative scientifique en collaboration, incluant Victoria Kaspi(Université McGill), boursière de la fondation R. Howard Webster de l’ICRA et Scott Ransom (National Radio Astronomy Observatory), Boursier associé.
« J’ai dû relire mon courriel plusieurs fois afin de bien comprendre. Je n’arrêtais pas de me dire, “Non, c’est impossible, ça ne se peut pas” », a dit Kaspi, directrice du programme Extrême univers et gravité de l’ICRA.
Kaspi a dit qu’il s’agissait d’une importante percée dans notre compréhension des sursauts radio rapides. Les FRB ne durent que quelques millisecondes, mais sont plus brillants et plus puissants que tout éclair radio connut, comme les impulsions de radio-pulsars, une forme d’étoile à neutrons. FRB 121102 est particulièrement inhabituel, car il s’agit du seul sursaut répétitif et le seul FRB dont on a cerné l’origine dans le ciel.
Bien que FRB 121102 se trouve à trois milliards d’années-lumière, les chercheurs ont réussi à « entrapercevoir » son environnement intérieur par l’examen détaillé de la polarisation de son émission radio. Le phénomène de la rotation de Faraday décrit le comportement de la lumière polarisée lors de son parcours à travers des substances dans un champ magnétique. En mesurant la rotation de Faraday à l’aide de données de l’observatoire d’Arecibo (Porto Rico) et du télescope Green Bank (Virginie occidentale), les scientifiques ont démontré que la polarisation de la lumière radio de ce FRB a dû traverser une zone de champ magnétique extrêmement puissant avec une forte densité de plasma.
Une des hypothèses principales pour expliquer ces observations veut que cet environnement contienne un trou noir qui fait de dix à cent millions de fois la taille du Soleil. Le sursaut pourrait provenir d’une étoile à neutrons près d’un trou noir supermassif qui produit des champs magnétiques gigantesques, ou même duquel pourraient jaillir des gaz ionisants chauds. Parmi les autres modèles possibles, notons une nébuleuse de vent ultra-magnétique, créée par des vents émanant d’un pulsar. De plus, les chercheurs ont proposé un environnement avec un vestige de supernova ultra-magnétique alimenté par une jeune étoile à neutrons.
L’un des sursauts radio de FRB 121102, détecté par le télescope d’Arecibo et converti en son afin de pouvoir entendre la dérive de fréquence dans le temps. (Vidéo : Andrew Seymour (NAIC, Arecibo))
« Nous avons trouvé quelque chose qui se situe de toute évidence dans un endroit extrême et cet endroit extrême pourrait être à l’origine d’un phénomène qui constitue l’un des plus grands mystères astrophysiques de l’époque récente. »
Ces nouveaux résultats soulèvent la question à savoir si les sursauts radio rapides pourraient être un produit de leur environnement.
« Si vous avez un objet extrême dans un environnement extrême, s’agit-il simplement d’une coïncidence? Les sursauts radio rapides présentent ces immenses explosions d’ondes radio et nous ignorons pourquoi cela se produit. Peut-être est-ce un indice du mécanisme qui produit ces explosions », a dit Kaspi. Elle souhaite tout particulièrement échanger avec des membres du programme Extrême univers et gravité qui étudient des objets compacts, comme les trous noirs supermassifs, y compris celui dans la galaxie où se trouve la Terre.
L’expérience canadienne de cartographie de l’hydrogène (Canadian Hydrogen Intensity Mapping Experiment, CHIME) offre une autre façon d’étudier les sursauts radio rapides. Cette initiative canadienne compte un certain nombre de chercheurs de l’ICRA et est basée à Penticton, en Colombie-Britannique. Conçue au départ pour des recherches cosmologiques, CHIME a été rehaussée pour en faire un détecteur de sursauts radio rapides de renommée mondiale. Comme la rotation de Faraday se révèle un facteur essentiel à l’élucidation des sursauts radio rapides, l’équipe de CHIME espère recueillir davantage d’information pour mesurer ce phénomène.
L’article « An extreme magneto-ionic environment associated with fast radio burst source FRB 121102 » a été publié dans Nature le 11 janvier.