Par: Liz Do
2 Nov, 2022
Les deux hommes ont eu une conversation approfondie sur les dix années passées par Bernstein à la barre du CIFAR et sur la vision d’avenir de Toope pour l’organisation.
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Stephen : Alan, je suis curieux de savoir ce que vous avez ressenti lorsque vous vous êtes joint au CIFAR en tant que président et chef de la direction. Comment s’est passée la première année?
Alan : J’ai dû m’adapter quelque peu au cours de ma première année, même si j’avais l’habitude de démarrer de nouvelles organisations, comme les IRSC et la Global HIV Vaccine Enterprise. Et, bien sûr, j’avais démarré mon propre laboratoire. Cela dit, je n’avais jamais succédé à quiconque à la tête d’une organisation.
Lorsque je suis arrivé au CIFAR, j’avais pour métaphore : quand on emménage dans une maison, on ne la rénove pas tout de suite; on y vit pendant un certain temps avant de décider de ce qu’on n’aime pas, de ce qu’on aime et de ce qui fonctionne.
J’ai passé la première année à parler à beaucoup de gens : les membres du conseil d’administration, le personnel, nos membres. Je voulais savoir directement ce qu’ils aimaient dans leur travail au CIFAR et quels étaient les problèmes qu’ils rencontraient. J’ai surtout entendu des choses extrêmement positives, et cela m’a vraiment stimulé.
Cependant, je regardais aussi les murs que je devais abattre et les pièces qui avaient besoin d’un coup de pinceau. L’Appel à idées mondial, issu de conversations que j’ai eues avec des membres du CIFAR, en est un exemple. Cela nous a amenés à revoir la façon dont nous créons de nouveaux programmes et dont nous mettons en place un terrain de jeu plus équitable — et mondial — pour les idées.
Stephen : Au cours des dix dernières années, le CIFAR est passé de réussite en réussite. Il y a une partie de moi qui vient pour écouter et apprendre. Je vais parler avec autant de personnes que possible et profiter des points de vue du personnel, des membres de la communauté et d’autres personnes qui bénéficient de l’organisation. Je pense qu’il y a un principe fondamental, à savoir : « Ne réparez pas ce qui n’est pas cassé ».
Donc — pour continuer la métaphore — dans les travaux de rénovation, je ne pense pas avoir à refaire toute la plomberie et l’électricité. Je pense que beaucoup de pièces structurelles sont vraiment, vraiment solides. Mais il arrive toujours que les organisations aient besoin de se repenser et de se rafraîchir, et c’est ce que je vois le CIFAR faire au cours des prochaines années.
Alan : Stephen, lorsque vous avez été approché pour le CIFAR, qu’est-ce qui vous a décidé à dire oui?
Stephen : Je suis très impressionné par l’engagement du CIFAR envers l’excellence à l’échelle mondiale. Je pense que c’est l’une des choses que j’ai toujours vues comme un attribut exceptionnel de l’organisation. Cela dit avec le plus grand respect, dans le contexte canadien, je crois que le CIFAR est l’une des rares organisations qui n’hésite aucunement à déclarer qu’elle souhaite atteindre les plus hauts sommets de réussite à l’échelle mondiale. Et cela, pour moi, est extrêmement excitant.
En même temps, j’ai aussi l’impression que l’organisation est prête à reconsidérer certains aspects d’elle-même. Je pense que c’est d’une importance primordiale pour toute entité, de surcroît quand il s’agit d’un organisme à but non lucratif. Il y a également un engagement fondamental à voir comment mobiliser aussi efficacement que possible les scientifiques en début de carrière.
Je pense que l’on a prêté une attention particulière à un accroissement de la diversité, tant au sein du personnel que chez les membres — et il reste des choses à faire à ce chapitre. Pour moi, il s’agit à la fois d’un défi et d’une opportunité. Je crois que l’organisation est prête à se remettre en question. J’espère que nous pourrons continuer à travailler en ce sens au cours des quelques prochaines années.
Je veux veiller à ce que nous fassions tout notre possible pour continuer à offrir des services de très haut niveau, mais peut-être de manière différente.
Alan : De plus, l’objectif et la vision d’œuvrer au plus haut niveau d’excellence internationale en favorisant la diversité autour de la table — non seulement la diversité en matière de disciplines et de pays, mais aussi d’ethnicité et de religiosité — représentent un voyage qui ne fait que commencer.
Stephen : Je pense que c’est un voyage que l’ensemble de la communauté de recherche ne fait que commencer. Nous ne sommes pas à l’avant-garde de ces questions dans la société. Je parle de « nous » en tant que communauté de recherche élargie.
À ce propos, je voulais vous demander : quel est, selon vous, le moment ou le problème le plus difficile ou le plus stimulant que vous avez rencontré à titre de président et chef de la direction?
Alan : Voilà une bonne question. En ce qui concerne les gens, cela nous ramène à l’interdisciplinarité — il peut se révéler difficile pour certains universitaires d’être véritablement interdisciplinaires. C’est pourquoi nous faisons ce que nous faisons : nous offrons des interactions soutenues qui, idéalement, mènent à une nouvelle synthèse, à une nouvelle façon d’aborder un problème.
Maintenant que nous envisageons votre leadership à la barre du CIFAR, je me demande quel est l’élément qui ne figure pas sur votre CV et que vous aimeriez faire connaître aux autres?
Stephen : Je dirais que j’aime sincèrement être mis au défi. J’aime travailler dans des environnements où les gens sentent qu’ils peuvent exprimer leurs propres convictions et me donner les meilleurs conseils possible. Je veux vraiment entendre ce que les gens pensent d’une question, et pas seulement ce qu’ils pensent que je veux entendre. Pour moi, ce qui est le plus emballant dans les grands établissements — comme l’Université de la Colombie-Britannique, l’Université de Cambridge, l’Université de Toronto ou l’Université McGill — c’est que des gens très intelligents se réunissent autour d’une table et proposent collectivement de meilleures approches que je n’aurais pas été capable de concevoir seul. Je pense que c’est une chose qui me procure beaucoup d’énergie.
Alan : Il ne nous reste que peu de temps, mais je tiens à vous remercier, Stephen, pour cette merveilleuse discussion. J’ai hâte de voir toutes les choses incroyables qui verront le jour au CIFAR sous votre gouverne.
Stephen : Et j’ai tout aussi hâte de discuter plus en profondeur avec vous, Alan. Merci.