Par: CIFAR
15 Sep, 2017
Calgary (Alberta), juillet 2017
Cet atelier de deux jours a réuni des boursiers de l’ICRA du programme Informatique quantique et des chefs de file du milieu universitaire, de l’industrie et du gouvernement pour discuter, à travers la lorgnette de la recherche et du développement, des progrès à ce jour, des obstacles principaux et des possibilités futures relativement au développement de répéteurs quantiques et de leur intégration à des réseaux quantiques à grande échelle. Les présentations, avec conférenciers invités, ont mis l’accent sur les percées scientifiques les plus récentes et sur des problèmes ouverts. Parmi les sujets abordés, notons : applications, protocoles, composants, interfaces et stratégie de création de partenariats avec l’industrie et d’autres parties prenantes.
À la base d’une discussion sur les réseaux quantiques se trouve la perspective que grâce à des efforts considérables de chercheurs universitaires et de joueurs de l’industrie (par exemple, Google, IBM, Microsoft, D-wave), les ordinateurs quantiques (OQ) deviendront réalité dans un proche avenir. Cela scinde les applications des réseaux quantiques en trois catégories : la première cherche à surmonter les problèmes de sécurité créés par les OQ (par exemple, distribution quantique de clés [DQC], partage de secret, etc.), la deuxième cherche à exploiter les capacités exceptionnelles des OQ (comme l’infonuagique quantique, le calcul quantique aveugle, etc.) et la troisième se penche sur l’amélioration des mesures grâce à la mécanique quantique. Dans ces divers contextes, il est important de noter les facteurs suivants : a) les méthodes fondées sur les mathématiques, qui protégeraient la vie privée contre les OQ, suscitent plus de soutien actuellement que la cryptographie quantique et b) la possibilité de lier des unités modulaires de calcul quantique fait déjà l’objet de recherches dans la communauté des OQ, par exemple, pour surmonter les contraintes physiques dans les réfrigérateurs à dilution.
Selon la distance et l’environnement, les liaisons quantiques qui forment un réseau quantique se composent probablement de différents types de canaux, comme des liaisons satellitaires en espace libre et des liens terrestres, ainsi que des liens par fibre optique. Ces dernières années, la capacité des liaisons satellitaires et terrestres a augmenté rapidement et des chercheurs canadiens sont au premier plan de ces avancées. Pour de longues distances, il faut des répéteurs quantiques avec des liaisons par fibre optique, possiblement avec des protocoles différents. Par exemple, des protocoles basés sur des variables discrètes ou continues où chacun comporte des avantages et des défis.
Les composants individuels d’un réseau se trouvent à des niveaux différents de maturité et de qualité. Les sources à photon unique basées sur une conversion paramétrique descendante spontanée d’un mélange à quatre ondes sont extrêmement fiables, mais souffrent d’un compromis entre le débit et la pureté. Les sources à émetteur unique, comme les points quantiques et les centres colorés du diamant, ont évolué rapidement ces dernières années, mais il demeure des problèmes techniques à surmonter, comme l’accroissement de l’efficacité de couplage, de la stabilité spectrale et du rendement. Les sources à émetteur unique haute efficacité qui fonctionnent dans le spectre des télécommunications, quoique hautement souhaitables, restent à démontrer. Comme les points quantiques ont atteint un certain niveau de maturité, le développement de démonstrateurs prêt-à-brancher favoriserait considérablement l’accélération de la mise en œuvre de ces sources dans des bancs d’essai de réseaux quantiques.
La disponibilité de détecteurs supraconducteurs rapides et efficaces – même sur le marché commercial – a éliminé les limitations relatives à la longueur d’onde des photodétecteurs à avalanche utilisés précédemment, facilitant ainsi l’utilisation de photons dans le spectre des télécommunications. L’autre défi à relever est l’incorporation de la détection de degrés de liberté multiplexeurs, par exemple, des détecteurs à résolution spectrale. Le développement d’une mémoire quantique adéquate – basée à la fois sur des émetteurs uniques (comme des centres NV) et des ensembles (cristaux dopés avec des ions de terres rares) — constitue encore un défi, car aucune mémoire fonctionnelle actuelle ne répond à toutes les valeurs de référence souhaitables pour un répéteur ou un réseau quantique. Les transducteurs quantiques qui établissent un lien entre des états quantiques à encodage optique et des qubits micro-ondes utilisables dans des OQ supraconducteurs constituent le composant le moins mature. Plusieurs approches sont utilisées actuellement et celles qui se fondent sur les oscillateurs nanomécaniques mènent le bal. Toutefois, aucun système n’a encore démontré la transduction au niveau quantique. Il est probable que les transducteurs constitueront le composant le plus limitatif sur le plan de la largeur de bande dans un réseau. Nous notons que les plateformes d’OQ qui se basent entre autres sur des ions piégés et des points quantiques possèdent des transitions optiques et éliminent en conséquence le besoin d’un transducteur.
Un des problèmes organisationnels est qu’il y a trop peu d’incitatifs pour s’attaquer à des problèmes techniques, optimiser les composants pour satisfaire toutes les exigences (ne pas exceller seulement dans une exigence), et développer et analyser des systèmes complets (et intégrés). Pour éliminer cet obstacle, il serait utile de favoriser une plus grande collaboration et la création de bancs d’essai où des chercheurs de compétences différentes peuvent se réunir. De plus, les bancs d’essai sont une bonne façon de mettre en vedette la recherche auprès de l’industrie, des décideurs et du public. Il est important de sensibiliser les gens à la perspective de la création d’emploi et de nouvelles entreprises. Un bon exemple est la nouvelle initiative phare sur les technologies quantiques en Europe (European Quantum Technology Flagship Initiative). L’initiative Quantique Canada, de concert avec les forums connexes, explore actuellement une approche similaire au Canada.
L’industrie peut être une source d’investissements et de marchés pour les technologies mises au point par les chercheurs et servir de levier pour l’établissement de liens entre les chercheurs et les décideurs gouvernementaux. Mais pour que le secteur privé participe au développement des réseaux quantiques, la communauté universitaire de la recherche et l’industrie doivent apprendre à travailler ensemble et favoriser une compréhension mutuelle des objectifs et des problèmes des uns et des autres. Des entités comme le Consortium photonique de l’industrie canadienne pourraient jouer un rôle important, de concert avec des organisations intermédiaires et des bureaux de liaison université-industrie. Il se peut qu’il manque à l’écosystème de financement du Canada un élément pour permettre l’innovation stratégique et d’avant-garde (similaire à DARPA aux É.-U.) ou une entité qui incubera et financera de jeunes entreprises dans l’espace de la technologie quantique. De plus, le gouvernement a un rôle important à jouer comme premier adoptant de nouvelles technologies quantiques, par exemple des liens de communications à protection quantique. Cela offrirait un incitatif au développement d’un écosystème industriel.
Pour faire d’un réseau quantique une proposition véritablement convaincante auprès des décideurs et du public, nous devons formuler une vision grandiose simple et claire comme celle qui a mené à la conquête de la Lune. Cette vision peut présenter un seul objectif clair et captivant, comme La téléportation d’un océan à l’autre, fondée sur des technologies qui recèlent une valeur commerciale et stratégique pouvant susciter l’intérêt de l’industrie et du gouvernement. Comme la protection de la vie privée en ligne revêt de plus en plus d’importance pour le public, nous pourrions aussi utiliser un terme comme la transformation de la cybersécurité. Il importe d’avoir un message qui projette les possibilités envisagées et qui ne se fonde pas sur des termes techniques. Nous devons souligner l’importance d’investir sans tarder et aborder la question de la gestion du risque dans un monde futur où les ordinateurs quantiques seront largement accessibles.