Par: CIFAR
1 Mai, 2018
Cette étude a cerné pour la première fois la structure d’un complexe GLP-1R (glucagon-like peptide-1 receptor)-protéine G à l’aide de la cryomicroscopie électronique. Une meilleure compréhension du mode de liaison de ces récepteurs à des hormones peptidiques, ainsi que de leur mode de transmission de signaux a des répercussions importantes pour le traitement du diabète de type 2 et de l’obésité.
Les récepteurs couplés aux protéines G (GPCR) constituent la plus grande famille de récepteurs de signalisation dans le génome humain. Intégrés dans la membrane cellulaire, ils déterminent la majeure partie des réactions cellulaires aux hormones et aux neurotransmetteurs, ainsi qu’à des stimulations externes, comme la lumière, les odeurs et le goût. Ils peuvent distinguer un vaste éventail de molécules ou de ligands et déclencher par la suite les réactions cellulaires adéquates. Comme ils entrent en jeu dans de nombreuses maladies, ces récepteurs sont des cibles importantes du processus de découverte des médicaments. Il existe déjà sur le marché un grand nombre de médicaments qui influencent la fonction des GPCR.
Nous avons une compréhension limitée de la structure et des mécanismes de signalisation et d’activation des GPCR, car il est difficile d’obtenir des images détaillées. La taille et la fragilité des complexes GPCR font qu’il est ardu de les cristalliser à l’aide de techniques biologiques, comme la radiocristallographie.
Les travaux novateurs sur les GPCR réalisés par Brian Kobilka (un collaborateur de cette étude et un conseiller au sein du programme Architecture moléculaire de la vie du CIFAR) et Robert Lefkowitz nous ont permis de rehausser notre compréhension du réseau complexe de signalisation entre les cellules et les organes, et l’environnement. Les deux scientifiques ont reçu le prix Nobel de chimie en 2012.
La cryomicroscopie s’est récemment révélée une technologie d’imagerie de pointe pour la détermination de la structure de complexes macromoléculaires en éliminant l’étape de cristallisation des protéines. Dans le processus de cryomicroscopie, les protéines sont conservées dans des conditions quasi naturelles par congélation rapide et on procède ensuite à l’imagerie électronique de molécules uniques dans un mince film ou en solution. La congélation conserve la souplesse structurelle des protéines, car elles ne sont pas contraintes à s’organiser en une structure cristalline ordonnée. Cette technique a mené à de nouvelles données sur des processus cellulaires qu’il était auparavant impossible de caractériser. La cryomicroscopie électronique peut capter des images tridimensionnelles à une résolution quasi atomique.
À l’aide de la cryomicroscopie électronique, cette étude cherche à décrire pour la première fois comment la GLP-1, une hormone qui joue un rôle clé dans la régulation de la sécrétion de l’insuline, le métabolisme des glucides et l’appétit, se lie à son récepteur, le GLP-1R. Le GLP-1R appartient à la famille des GPCR de classe B et envoie des signaux principalement par l’entremise de la protéine G stimulatrice, GS.
Cette étude a mis en jeu la détermination de la structure par cryomicroscopie, la reconnaissance de la GLP-1 par le GLP-1R, la comparaison avec des récepteurs de classe B inactifs, les interactions entre le GLP-1R activé et la Gs, et la comparaison avec les GPRC de classe A activées.
Les chercheurs ont eu recours au GLP-1R de lapins dont 92 pour cent de la séquence génétique est la même que celle du récepteur humain et ont créé les complexes entre le récepteur et la Gs purifiée dans des cellules membranaires d’insectes. Ils ont extrait les complexes à l’aide du détergent MNG et les ont purifiés par chromatographie d’affinité avec anticorps et chromatographie sur gel.
À l’aide d’une carte de densité de cryomicroscopie, les chercheurs ont créé et perfectionné une structure à résolution quasi atomique du complexe GLP-1-GLP-1R-Gs. Ils ont utilisé un microscope électronique (FEI) Titan Krios avec un grossissement nominal de 29 000x à l’aide d’un détecteur d’électrons direct K2 Summit en mode comptage. Au total, les chercheurs ont enregistré 17 332 images avec un temps d’exposition total réglé à 10 secondes avec enregistrement d’images intermédiaires toutes les 0,2 seconde.
La carte de densité issue de la cryomicroscopie a été déposée à la Electron Microscopy Data Bank et les coordonnées ont été déposées à la Protein Data Bank.
Cette étude a réussi à capter, pour la première fois, la structure microscopique cryoélectronique d’un GLP-1R non modifié formant un complexe avec son ligand peptidique endogène, GLP-1, et la protéine G hétérotrimère en résolution quasi atomique.
Cette étude a révélé comment l’hormone se lie à son récepteur sur l’extérieur de la cellule et comment cela détermine des changements dans l’organisation de la partie qui se prolonge dans la cellule. Ces changements, en retour, activent la protéine G. Comme l’ont observé les chercheurs, « Le peptide est lové entre le domaine N-terminal et le noyau transmembranaire du récepteur, et stabilisé d’autant plus par des boucles extracellulaires. Des changements conformationnels dans le domaine transmembranaire 6 font que le peptide pivote vers sa moitié intracellulaire pour accommoder l’hélice α5 du domaine de type RAS de la Gs. »
La résolution quasi atomique des images produites par cette étude nous procure un cadre structurel pour rehausser notre compréhension de l’activation des GPCR de classe B par l’entremise de la liaison hormonale. De plus amples travaux sont nécessaires pour obtenir une image plus détaillée des voies d’activation dans différentes classes de GPCR. Toutefois, cette étude confirme que les technologies de cryomicroscopie en évolution rapide pourraient transformer les études structurelles de ces protéines complexes qui constituent des cibles importantes des initiatives de découverte de médicaments.
Les données obtenues sur les mécanismes de signalisation et d’activation du récepteur GLP-1 en particulier orienteront la mise au point de médicaments contre le diabète de type 2 et l’obésité – pour mener à des médicaments plus efficaces comportant moins d’effets secondaires.
Référence
Yan Zhang, Bingfa Sun, Dan Feng, Hongli Hu, Matthew Chu, Qianhui Qu, Jeffrey T. Tarrasch, Shane Li, Tong Sun Kobilka, Brian K. Kobilka, Georgios Skiniotis. Cryo-EM structure of the activated GLP-1 receptor in complex with a G protein. Nature, 2017; DOI: 10.1038/nature22394
Préparé par Clare Walker
À propos du programme Architecture moléculaire de la vie du CIFAR
Le programme Architecture moléculaire de la vie du CIFAR élucide les détails des processus moléculaires complexes qui sous-tendent tous les systèmes vivants et pourrait avoir des répercussions dans une foule de domaines, comme d’améliorer notre compréhension de l’évolution et notre capacité à traiter la maladie. Grâce à de nouvelles méthodes d’imagerie et à une expertise singulière, nous pouvons examiner pour la première fois les processus moléculaires à un niveau de détail qui nous permettra d’obtenir une image cohérente de la façon dont l’assemblage moléculaire peut donner lieu à des systèmes vivants. Pour trouver réponse à ces questions, il faut réunir des chimistes, des physiciens, des biologistes et d’autres spécialistes qui examineront tout dans les moindres détails, du mouvement des atomes individuels aux processus de groupes entiers de cellules. En favorisant ces profondes collaborations, le programme du CIFAR nous permettra d’élucider les origines moléculaires de la vie et d’ouvrir de nouvelles voies vers la conception de meilleurs médicaments et d’autres technologies qui auront des répercussions sur la santé humaine.