Par: Cynthia Macdonald
4 Mar, 2019
Le mot « microbe » évoque souvent des idées de saleté, d’infection et de maladie. Toutefois, le microbiologiste B. Brett Finlay souhaite ardemment changer cette vision unilatérale des choses.
Finlay, codirecteur du programme Microbiome humain du CIFAR, a écrit en collaboration un nouvel ouvrage sur notre relation physique avec les germes. Dans The Whole-Body Microbiome, en collaboration avec sa fille Jessica Finlay, gérontologue, il avance que bien que certains microbes peuvent nous nuire, notre zèle collectif en matière de propreté n’a fait qu’entraîner une nouvelle série de problèmes tout aussi préjudiciables.
Au fil d’un voyage fantastique à travers les espaces microbiens les plus complexes du corps humain, les Finlay insistent sur le fait que les gens peuvent mener une vie plus saine et plus longue grâce à une compréhension plus nuancée des billions de microorganismes qui nous habitent. B. Brett Finlay a récemment discuté de son livre depuis son bureau à l’Université de la Colombie-Britannique.
L’une de vos dix révélations les plus étonnantes est le fait que les microorganismes sont liés à neuf des dix principales causes de décès en Occident.
La pneumonie est la seule qui soit manifestement microbienne. Mais la crise cardiaque et l’accident vasculaire cérébral ont aussi une composante microbienne : lorsque vous mangez de la viande rouge, les microorganismes de l’intestin la digèrent et forment des composés qui finissent par causer l’athérosclérose. Il a aussi été démontré que le brossage des dents et le régime MIND (Mediterranean-DASH Intervention for Neurogenerative Delay) peuvent réduire la démence de 50 pour cent. Dans le chapitre sur le cancer, nous parlons du rôle que jouent les microorganismes, en particulier en ce qui concerne les inhibiteurs des points de contrôle immunitaire. Et la liste se poursuit; il s’agit en effet d’une déclaration audacieuse, mais c’est vrai! Il y a cinq ans, nous ne savions rien de tout cela.
Votre dernier ouvrage intitulé Let Them Eat Dirt a examiné les effets positifs des microorganismes. Néanmoins, vous préconisez toujours le brossage des dents et le lavage des mains.
Il s’agit de trouver un juste équilibre. Comme le brossage des dents empêche les microorganismes de s’infiltrer dans le corps, ceux-ci ne peuvent pas déclencher une inflammation de faible intensité qui pourrait entraîner lésions tissulaires et maladies. Cet exemple illustre le concept voulant que « les microbes soient mauvais ». Toutefois, d’autres microorganismes peuvent avoir un effet anti-inflammatoire. Je pense que le message clé à retenir c’est qu’il faut éviter les agents infectieux – si c’est la saison de la grippe, lavez-vous les mains. Mais nous avons aussi besoin de microorganismes. Il faut donc caresser le chien et jouer sur le tapis avec les petits-enfants, car de nombreuses études démontrent que cette saine exposition microbienne est nécessaire.
Nous sommes complètement couverts de germes : comme vous l’écrivez, il y a plus de microorganismes sur une main qu’il n’y a de gens sur Terre. Comment savoir lesquels sont bons et lesquels sont mauvais pour nous?
Seulement quelque cent espèces microbiennes entraînent la maladie chez l’humain. On se demande donc quels sont les bons microorganismes. Voilà ce que nous sommes en train d’apprendre. Et ce que nous découvrons, c’est qu’il y en a vraiment beaucoup. Mais aucune espèce à elle seule ne pourra tout guérir; ce sont plutôt des communautés microbiennes complexes et diversifiées qui favoriseront un bon état de santé général. Il est utile de faire une analogie avec la notion d’écosystème : nous savons que la diversité des espèces est essentielle à la santé de la région amazonienne et le microbiome n’est tout simplement qu’un autre écosystème.
Récemment, nous avons commencé à entendre parler de nouvelles procédures médicales, comme les transferts fécaux, qui peuvent sembler étranges pour certains patients, mais emballants pour d’autres. La communauté médicale appuie-t-elle complètement cette nouvelle vision des microorganismes?
C’est très intéressant, car le public a adopté cette idée beaucoup plus rapidement que la profession médicale. Les médecins se font lentement à l’idée, mais vous devez comprendre que leur premier mantra est de ne pas faire de mal. Si quelqu’un demande à un médecin un transfert fécal pour perdre du poids, cela pourrait peut-être se révéler préjudiciable.
Il faut au moins une décennie aux essais cliniques pour produire des données probantes et ce domaine existe depuis à peine dix ans. Mais les choses évoluent : nous avons déjà vu qu’un transfert fécal est le meilleur traitement médical contre une infection causée par la bactérie C. difficile. À l’avenir, au lieu de ces transferts, nous aurons probablement recours à une approche plus raffinée où les gens recevront dix à vingt microorganismes spécifiques issus de cultures dans des laboratoires propres.
Les probiotiques alimentaires constituent aujourd’hui une énorme industrie. Que pensez-vous de cette tendance?
À l’heure actuelle, nous savons que certains probiotiques sont efficaces pour certaines choses, comme des problèmes gastro-intestinaux. Mais utilisons une analogie : disons que vous souhaitez acheter des chaussures de sport. Vous n’allez pas choisir n’importe quelle paire en magasin, car aucun modèle ne peut répondre à toutes les exigences. Voilà où nous en sommes rendus avec les probiotiques. Vous allez choisir un antibiotique en fonction de l’infection à soigner et c’est là l’objectif à atteindre avec les probiotiques.
Pour obtenir une liste des probiotiques dont l’efficacité contre des maladies spécifiques a été démontrée dans des essais cliniques, veuillez consulter www.probioticchart.ca.