Le 28 septembre 2021, Brett Finlay, coresponsable du programme Microbiome humain, et Candice Odgers, coresponsable du programme Développement du cerveau et de l’enfant du CIFAR, ont participé à une séance d’information sur invitation à l’intention de décideurs politiques du gouvernement de la Colombie-Britannique, dans la foulée d’un webinaire public. La conversation a porté sur la façon dont la pandémie de COVID-19 a influencé la santé physique et mentale des enfants et sur les mesures politiques ou les investissements que les gouvernements peuvent mettre de l’avant dans ces domaines pendant la période de transition de la société vers un avenir post-pandémique. Ce compte-rendu met en lumière les principaux résultats des discussions.
Résultats clés
- Pendant la pandémie de COVID-19, les enfants ont été épargnés de certains des pires effets physiques de l’infection. Toutefois, des rapports préliminaires ont signalé des pertes d’apprentissage, des résultats mitigés quant aux effets sur la santé mentale des enfants et, surtout, une amplification des inégalités antérieures en raison du fardeau social et sanitaire plus élevé qu’ont subi les personnes déjà les plus vulnérables. La prévalence accrue d’interactions numériques (enseignement, jeux en ligne sur les médias sociaux, etc.) pourrait avoir entraîné une augmentation des interactions sociales chez certains enfants pendant la pandémie, mais ce constat n’est pas celui des ménages disposant de ressources financières et autres limitées ou pour ceux qui sont déjà à haut risque.
- Bien que l’enfance constitue une période importante pour le développement mental et social, les enfants sont aussi incroyablement résilients et plastiques, de sorte que les effets à long terme ne sont pas encore clairs.
- La technologie numérique peut reproduire, mais non remplacer, les interactions sociales en personne. Une fois les restrictions sur les activités en personne levées, il sera important pour les enfants de reprendre ces activités quand il sera possible de le faire en toute sécurité.
- Même si pendant la pandémie nous avons insisté avec raison sur les mesures d’hygiène, l’effet de l’intensification de ces mesures sur la diminution de l’exposition aux microorganismes dans l’environnement, ainsi que l’éloignement des enfants du milieu scolaire ou des garderies, pourraient avoir un impact négatif sur le développement du microbiome des enfants (la collection de microorganismes en nous et sur nous). Compte tenu des résultats probants sur le rôle important que joue le microbiome dans notre santé, cette exposition réduite pourrait avoir un impact plus tard sur des problèmes de santé comme l’obésité.
- En raison de la diminution significative de l’exposition aux rhumes et à la grippe, il existe désormais une grande cohorte immunologiquement « naïve » qui pourrait être sensible à ces infections lorsque le port du masque sera moins répandu. Par conséquent, il est important de maintenir et d’augmenter le taux de vaccination contre la grippe.
- Les gouvernements et les autorités de santé publique devraient impérativement insister sur l’importance et l’efficacité d’une meilleure ventilation et du port du masque, plutôt que sur la désinfection de tous les objets ou surfaces, pour enrayer les infections par le virus de la COVID-19 et atténuer les dommages éventuels que pourraient entraîner ces mesures d’assainissement sur le microbiome.
- Il y a eu un nombre limité d’études, générant des résultats contradictoires, sur les effets de la pandémie sur la santé mentale des enfants; certains rapports indiquent que les problèmes de santé mentale ont en fait diminué (peut-être en raison d’un meilleur sommeil ou de la diminution du stress lié à l’école), par opposition à un effet négatif observé chez les familles ayant subi un stress financier ou sanitaire. Au fur et à mesure que la société revient à des mesures moins restrictives et à un plus grand nombre d’interactions en personne, on observe en fait une augmentation de l’anxiété.
- Les applis numériques ou les services virtuels pourraient avoir un rôle à jouer dans les soins de santé mentale, mais il n’y a pas assez de recherches sur le sujet, en particulier chez les adolescents. Les données disponibles suggèrent qu’il vaut mieux utiliser ces applis en tant que moyen d’étendre la portée des prestataires de services de santé mentale, par exemple pour permettre un meilleur suivi ou une intervention juste à temps. En outre, les services numériques peuvent s’avérer plus utiles pour les populations difficiles à atteindre ou dans les communautés où le fait de chercher de l’aide en personne suscite davantage de stigmatisation.
- Un autre aspect important du bien-être des enfants est le bien-être des personnes qui s’occupent d’eux, dont beaucoup (en particulier les femmes) ont connu un stress incroyable pendant la pandémie. Il faut prévoir davantage de ressources pour soutenir les parents et les soignants, ainsi que les éducateurs de la petite enfance.
- Les résultats probants sont mitigés quant à savoir si la violence familiale a augmenté pendant la pandémie — il y a eu moins de signalements, mais cela pourrait s’expliquer par une diminution des interactions entre les enfants et les voisins et l’école. Les rapports d’hôpitaux faisant état de blessures plus graves suggèrent que l’augmentation du temps passé chez soi et des niveaux de stress a de fait entraîné une augmentation de la violence dans certains cas.
- Les écoles sont importantes non seulement pour l’éducation, mais aussi pour le développement social. Il s’agit également de cadres privilégiés pour rejoindre et repérer les enfants vulnérables aux problèmes de santé mentale, comme les idées suicidaires. Dans l’ensemble, les écoles sont de grands égalisateurs sociétaux en matière notamment de nutrition, d’interactions sociales, de soutien à la santé mentale, et de surveillance de la maltraitance et de la négligence. De plus, dans le cadre du retour à la « normalité », la société et les gouvernements devront offrir aux écoles les ressources nécessaires pour mener à bien leur travail et éventuellement atténuer les inégalités accrues découlant de la pandémie.
- L’un des mécanismes possibles pour éclairer les investissements du gouvernement dans la santé et le bien-être des enfants et des jeunes est de susciter la participation de conseils consultatifs de jeunes qui peuvent veiller à ce que les enjeux ou les nuances évidentes pour la population cible des politiques soient bien pris en compte, ainsi que d’accroître la visibilité et l’adoption des mesures politiques au sein des réseaux de jeunes.
- La COVID-19 a posé un défi de taille à la communication scientifique : les chercheurs et les autorités sanitaires doivent trouver un équilibre entre l’admission du fait qu’ils ne détiennent pas encore toutes les réponses et la nécessité de combattre les faussetés et la désinformation de la part de parties qui prétendent avoir les réponses. Par ailleurs, l’intérêt et la sensibilisation accrus de la population en général pour les questions liées aux maladies infectieuses et à l’immunologie pourraient offrir aux communicateurs scientifiques l’occasion de mobiliser davantage le public.
- Les scientifiques peuvent travailler avec des artistes, des cinéastes et d’autres « conteurs » pour créer des messages qui fonctionnent pour un plus grand nombre de communautés différentes. Les gouvernements et les autres bailleurs de fonds de la recherche pourraient jouer le rôle de rassembleurs pour de telles interactions.
Présentateurs
- Brett Finlay, professeur, Université de la Colombie-Britannique / coresponsable, Microbiome humain, CIFAR
- Candice Odgers, professeure, Université de la Californie à Irvine / coresponsable, Développement du cerveau et de l’enfant, CIFAR
Lectures complémentaires
Enregistrement du webinaire public
Ressources du CIFAR :
L’avenir du microbiome en santé publique (compte-rendu d’événement)
Adversités, neurodéveloppement et nouvelles interventions (compte-rendu d’événement)
Comprendre l’impact du microbiome sur la santé publique par l’entremise d’une démarche multidisciplinaire (compte-rendu de recherche)
La COVID-19 pourrait modifier à jamais notre microbiome (nouvelles du CIFAR)
L’inné, l’acquis et le temps (nouvelles du CIFAR)
Les coûts cachés de la COVID-19 pour les enfants (conférence virtuelle du CIFAR)
Autres ressources :
L’hypothèse de l’hygiène, la pandémie de COVID-19 et les conséquences pour le microbiome humain (en anglais), par Brett Finlay et des membres du programme Microbiome humain
Les effets biologiques à long terme du stress lié à la COVID-19 sur la santé et le développement futurs des enfants (en anglais), par Michael Kobor, Candice Odgers et coll.
Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec
Brent Barron
Direction, Projets stratégiques, Mobilisation du savoir
CIFAR
brent.barron@cifar.ca
Hillary Connolly
Spécialiste responsable, Mobilisation du savoir; responsable, Santé et Société
CIFAR
hillary.connolly@cifar.ca