Par: Cynthia Macdonald
11 Mar, 2019
« Et si les enfants dont nous nous inquiétons le plus étaient les plus prometteurs? »
Voilà la question provocatrice que pose Thomas Boyce dans son nouveau livre, The Orchid and the Dandelion. Boyce est codirecteur du Programme Développement du cerveau et de l’enfant du CIFAR et dirige la division de médecine du développement à l’Université de la Californie à San Francisco. Son livre explore les différences entre deux types d’enfants : les « pissenlits » robustes, dont la résilience innée les aide à surmonter les difficultés de la vie, et les « orchidées » sensibles, dont la capacité à relever ces défis exige une attention particulière, vu leur nature émotionnelle et hautement perceptive.
Comment pouvez-vous distinguer une orchidée d’un pissenlit?
Les enfants orchidées ont tendance à avoir un comportement inhibé avec les étrangers. Ils sont réticents dans de nouvelles circonstances et ont tendance à se retirer. Ce sont aussi des enfants qui semblent avoir un nombre inhabituel d’hypersensibilités sensorielles.
Dans le cadre de nos recherches, nous avons mesuré la réactivité au stress au cours d’une séance de laboratoire de 20 minutes où les enfants ont dû effectuer une série de tâches légèrement stressantes. Des choses comme mettre du jus de citron sur la langue ou parler à un examinateur qu’ils n’avaient jamais rencontré auparavant – des facteurs de stress normatifs dans la vie d’un jeune enfant. Nous avons surveillé leurs réactions biologiques à ces tâches et constaté qu’il y avait une énorme variabilité dans les réactions des enfants.
Dans le monde réel, lorsque les enfants qui avaient présenté une réactivité très élevée en laboratoire ont été confrontés à des situations stressantes de la vie quotidienne, nous avons constaté une augmentation énorme de la manifestation de maladies, de blessures et de troubles du comportement. Toutefois, dans des environnements plus stimulants, plus prévisibles et plus calmes, ils avaient beaucoup moins de ces maladies que leurs pairs qui avaient été moins réactifs en laboratoire.
Pensez-vous que les enfants orchidées sont particulièrement doués, de façon que les pissenlits ne le sont peut-être pas?
Je crois que oui. Ils sont très contemplatifs et observateurs; cela va de pair avec leur ouverture sur le monde. Ils sont simplement plus sensibles aux choses qui se passent. De plus, ils apprennent de ces choses de façon telle à stimuler leur intelligence et à gagner en perspicacité quant à la façon dont le monde fonctionne.
Vous dites que les expériences pendant l’enfance ne sont pas seulement déterminées par des facteurs génétiques, mais aussi par des facteurs épigénétiques. Pouvez-vous expliquer ce que cela signifie?
La matrice chimique que constitue l’épigénome est un produit de l’expérience et de l’exposition environnementales. Cette matrice repose sur le génome qui est lui-même défini par les cellules germinales dont nous héritons de nos parents. L’épigénome représente une véritable conjonction entre notre exposition environnementale, et les vulnérabilités et les forces biologiques avec lesquelles nous naissons.
Nous croyons que des différences dans le génome pourraient accroître la sensibilité d’une personne aux expériences que la vie lui présente – et l’épigénome ajoute à cet effet en surveillant et en régulant l’expression de gènes dans l’ADN.
Dans le livre, vous nous parlez de votre sœur Marie, une enfant orchidée dont la trajectoire de vie a été très différente de la vôtre. Au fil de votre carrière, vous avez connu un grand succès, mais votre sœur a lutté contre la maladie mentale et s’est finalement suicidée, malgré le fait qu’elle était une femme sensible, intelligente et talentueuse. Votre sœur a-t-elle motivé vos recherches?
J’aimerais dire que oui, mais ça ne s’est pas vraiment passé comme ça. Il a fallu probablement quinze ou vingt ans pour que je me rende compte que les résultats que nous obtenions semblaient expliquer certaines choses sur ma famille que je n’avais jamais comprises. Dans le livre, je parle de l’idée voulant que chaque photographie soit un autoportrait, ce qui veut dire que chaque image que nous choisissons d’enregistrer porte en elle quelque chose de nous. Mais ça m’a pris de nombreuses années de travail avant d’en arriver là.
L’un des messages clés de ce livre est que les expériences peuvent vraiment changer la trajectoire de vie d’un enfant. Voilà pourquoi, malgré l’influence puissante de nos gènes, un parentage intelligent demeure extrêmement important.
Je pense que c’est important pour tous les enfants. Même pour les enfants pissenlits et particulièrement pour ces petits enfants orchidées sensibles. Cela exerce une influence extrêmement importante et semble avoir une grande incidence sur leur trajectoire de vie.