Par: Krista Davidson
9 Juil, 2020
Des chercheurs et experts autochtones du monde entier se sont associés pour publier Indigenous Protocol and Artificial Intelligence (Protocole autochtone et intelligence artificielle), un exposé de position qui propose un point de départ en vue d’une conception éthique de l’IA selon une approche centrée sur les préoccupations autochtones.
L’équipe formée lors de l’atelier « Protocole autochtone et IA », tenu dans le cadre du programme IA et société du CIFAR, a élaboré ce document au terme de discussions qui se sont déroulées pendant 20 mois dans 20 fuseaux horaires. Ces échanges comprenaient deux séances de travail réunissant des représentants de communautés autochtones d’Aotearoa (Nouvelle-Zélande), d’Australie, d’Amérique du Nord et de la région du Pacifique.
Ce document soulève une multitude d’idées, de questions et d’approches à prendre en considération afin d’intégrer le savoir autochtone dans la conception de l’IA.
« Bon nombre des recommandations et déclarations de principe en cours de publication tournent essentiellement autour de l’être humain, ce qui est contraire à la plupart des méthodologies autochtones », explique Jason Edward Lewis (Hawaïen-Samoan), professeur au Département de design et d’arts numériques de l’Université Concordia et membre du groupe responsable de l’atelier.
« En tant que société, nous permettons à l’IA de recueillir nos données et de prendre des décisions qui nous concernent – d’où l’importance de clarifier le type de relation que nous désirons entretenir avec ce type d’intelligence, affirme M. Lewis. L’IA est-elle une esclave au service d’un maître humain, ou souhaitons-nous plutôt mettre en place des systèmes intelligents en tout respect ? Si nous traitons ces systèmes avec respect et leur enseignons à nous traiter respectueusement à leur tour, meilleur sera le monde dans lequel nous vivrons. »
« Les protocoles que bon nombre de cultures autochtones ont élaborés pour interagir respectueusement avec les non-humains peuvent constituer une piste pour nous aider à mieux comprendre la vocation que nous destinons à l’IA et pourquoi », ajoute M. Lewis.
L’exposé de position regroupe un large éventail de textes, dont des recommandations de conception, des essais savants, des illustrations, des descriptions de prototypes technologiques et de la poésie. Tous visent à examiner l’IA par la lorgnette d’épistémologies autochtones et de pratiques technologiques variées.
Caroline Running Wolf, née Old Coyote (Crow), est étudiante au doctorat à l’Université de la Colombie-Britannique et l’une des collaboratrices à l’exposé de position. Sa thèse de doctorat, menée auprès de la communauté kwakwaka̱ ‘wakw de l’île de Vancouver (C.-B.), examine la façon dont les initiatives de réhabilitation des langues et des cultures autochtones peuvent être facilitées par les technologies immersives.
« L’IA est conçue par des ingénieurs qui forment un groupe peu représentatif de la société. Pour les populations autochtones, les données ne se résument pas à de simples bits et octets ; ce sont aussi les récits sacrés et les témoignages de nos ancêtres », explique-t-elle.
Elle espère que cet exposé de position ouvrira un dialogue et conscientisera les gens à la relation qui existe entre l’IA et les protocoles autochtones. Elle espère en outre que la souveraineté des données autochtones sera reconnue et respectée en tant que droit humain fondamental dans la conception de l’IA.
La direction de l’atelier « Protocole autochtone et IA » du programme IA et société du CIFAR est assurée par Jason Edward Lewis, Université Concordia, Canada ; Angie Abdilla, Old Ways. New Indigenous Knowledge Consulting, Australie ; ʻŌiwi Parker Jones, Université d’Oxford, Royaume-Uni et Fox Harrell, MIT, États-Unis.
L’atelier regroupe des participants des communautés anishinaabe, barada/baradha, crie, crow, cheyenne, coquille, euskaldunak, gabalbara/kapalbara, gadigal/dunghutti, kanaka maoli, kapalbara, lakota, māori, mohawk, palawa et samoan. La plupart proviennent d’une variété de disciplines à la croisée de la culture autochtone et des technologies numériques.
Les ateliers IA et société du CIFAR réunissent des experts de toutes les disciplines, de tous les secteurs d’activité et de tous les pays pour discuter de certains des défis les plus importants que pose l’IA. Le programme IA et société est un pilier de la Stratégie pancanadienne en matière d’IA du CIFAR, qui vise à établir un leadership éclairé d’envergure mondiale relativement aux répercussions économiques, éthiques, politiques et juridiques des percées en intelligence artificielle.