Par: Jon Farrow
26 Jan, 2021
Ce que nous mangeons, ce que nous faisons, ce que nous voyons, et la fréquence à laquelle nous nous lavons les mains, influencent ce que nous sommes. Les recherches des dernières décennies démontrent que les bactéries, les organismes fongiques et les virus qui habitent notre corps — collectivement, le microbiome — ont une incidence considérable sur la santé humaine. Qu’il s’agisse de santé mentale, de fluctuation de poids ou de risque de maladies, bien des choses dépendent des microorganismes. En retour, notre mode de vie influence la composition de notre microbiome.
La pandémie de COVID-19 a bouleversé la vie de presque tous les habitants de la planète. Aussi, dans un article de mise en perspective publié dans les Proceedings of the National Academy of Sciences en janvier 2021, les membres du programme Microbiome humain du CIFAR expliquent comment la pandémie pourrait influencer notre microbiome.
Les 23 coauteurs, tous boursiers, conseillers ou chercheurs mondiaux CIFAR-Azrieli dans le programme Microbiome humain du CIFAR, mettent à profit leur expérience multidisciplinaire considérable pour souligner les risques pour notre santé et notre bien-être que pose la juxtaposition de la COVID-19 et de notre microbiome.
Pour B. Brett Finlay, codirecteur du programme, professeur à l’Université de la Colombie-Britannique et auteur principal de l’article, la profondeur et l’étendue des effets microbiens sont ahurissantes. À partir de quelques exemples évoqués dans l’article, il pose la question suivante : « Si vous ne prenez plus l’avion, quel en est l’effet sur les déplacements microbiens à l’échelle mondiale? Si vous êtes enfermé dans un appartement pendant un mois, quel en est l’effet sur votre exposition aux microorganismes, en particulier si vous êtes un nouveau-né? Le pain fait maison était d’une popularité inouïe lors de la première vague de COVID-19. Quel est l’effet de toute cette farine blanche sur le microbiome? »
À l’examen des effets de nos réactions à la COVID-19, ainsi que de l’interaction entre nos microorganismes et la maladie elle-même, il est clair que de nombreuses questions demeurent. Les auteurs espèrent que cet article incitera les biologistes, les médecins, les experts en santé publique, les sociologues et les politologues à prendre davantage en considération la dimension microbienne du monde dans lequel nous vivons.
Ces effets, tout comme le gros du fardeau de la maladie, ne toucheront pas les gens également. « Les interactions entre les agents pathogènes, les gens, les économies politiques, les conditions écologiques et les processus historiques se manifesteront différemment selon les endroits », déclare Tamara Giles-Vernick, boursière du programme du CIFAR, anthropologue à l’Institut Pasteur à Paris (France) et auteure principale de l’article. « Je pense que c’est tout autant le travail des spécialistes des sciences sociales que celui des biologistes de tenir compte de ces conséquences très variées. Il est de notre responsabilité de ne pas présumer que tout sera pareil partout. »
Le programme Microbiome humain du CIFAR, qui examine comment les microorganismes qui vivent en nous et sur nous influencent notre santé, notre développement et même notre comportement, encourage ce type de réflexion nuancée et interdisciplinaire.
« Il est important de réfléchir à ces questions de façon globale, notamment parce que les pandémies ne cessent pas lorsque la transmission cesse, déclare Giles-Vernick. Les pandémies ont des conséquences biologiques, sociales, économiques et culturelles à long terme. Nous devons prêter attention à ces conséquences à long terme, car elles feront partie de notre vie. »
Parmi les moteurs de changements à long terme du microbiome, les auteurs signalent diverses pratiques comme le renforcement des mesures d’hygiène, les restrictions de voyage et l’isolement qui peuvent nous protéger contre la menace immédiate de la COVID-19, mais qui peuvent aussi entraîner la perte de microorganismes d’une importance primordiale.
« Nous savons qu’à chaque génération qui passe, notre diversité microbienne perd de son caractère mondial et devient de plus en plus homogène, explique Finlay. Comme tout écologiste vous le dira, c’est mauvais. La diversité est nécessaire. C’est grâce à elle que votre système est robuste. »
Pour lutter contre cette perte tout en restant en sécurité, les auteurs proposent diverses mesures en matière de politiques publiques et de pratiques individuelles. À l’échelle sociétale, ils suggèrent de garder les parcs ouverts en maintenant la distanciation physique, de promouvoir l’allaitement maternel et la vaccination des nourrissons, et d’aider les familles et les enfants à faible revenu à se nourrir sainement. Les pratiques individuelles, écrivent-ils, « pourraient inclure le fait de passer du temps à l’extérieur en toute sécurité, de jardiner si possible, de suivre un régime alimentaire riche en fibres, d’éviter les antibiotiques inutiles et d’encourager le contact physique entre les membres d’une famille et leurs animaux de compagnie qui se trouvent dans la même bulle ».
L’article de mise en perspective, The hygiene hypothesis, the COVID pandemic, and consequences for the human microbiome, a été publié en ligne dans les Proceedings of the National Academy of Sciences le 20 janvier 2021.