Par: Liz Do
9 Fév, 2022
Ses anciens stagiaires, aujourd’hui chefs de file dans leur domaine, racontent l’impact profond de son mentorat sur leur carrière.
Avant de cofonder Moderna Inc, une société de biotechnologie qui allait jouer un rôle central dans le développement d’un vaccin contre la COVID-19, Derrick Rossi était un jeune étudiant à la maîtrise dans le laboratoire d’Alan Bernstein.
« Je me souviens qu’il était très intelligent, mais qu’il ne savait pas encore ce qu’il voulait faire », se remémore Alan Bernstein, président et chef de la direction du CIFAR. « Il est venu me voir et m’a demandé : “Que dois-je faire maintenant?” Je lui ai répondu : Vous pouvez soit poursuivre vos études pour obtenir un doctorat, soit prendre une année sabbatique pour décider de ce que vous voulez faire. Et si je peux vous aider plus tard, je le ferai. »
Peu de temps après, avec le soutien de Bernstein, Rossi a décidé de prendre un congé, de parcourir l’Afrique orientale et centrale, avant d’aller vivre et de travailler en France, à Paris.
« Tout au long de l’histoire de la science, ce sont les scientifiques en début de carrière qui ont réalisé les avancées déterminantes et révolutionné la réflexion sur les enjeux importants. »
Alan Bernstein, Président et chef de la direction, CIFAR
« Alan était un grand mentor et une formidable tête pensante de la science. Je ne saurais dire combien de fois je l’ai vu poser la question la plus pertinente et la plus perspicace lors d’un séminaire auquel il assistait par hasard. Il était un scientifique impressionnant et un modèle inspirant », déclare Rossi.
L’influence transformatrice de Bernstein se constate dans son leadership au CIFAR, dans la politique scientifique et dans la recherche en santé, ainsi que dans son mentorat d’anciens stagiaires, comme Rossi.
« La prochaine génération est essentielle pour l’avenir de la science, déclare Bernstein. Tout au long de l’histoire de la science, ce sont les scientifiques en début de carrière qui ont réalisé les avancées déterminantes et révolutionné la réflexion sur les enjeux importants. Les scientifiques en début de carrière jouissent d’au moins deux avantages : ils ne sont pas responsables du passé et n’ont aucun intérêt personnel direct pour ce qui est arrivé auparavant. »
Alexandra Joyner, experte mondiale en génétique du développement de la souris au Sloan Kettering Cancer Institute de New York, se souvient de Bernstein comme d’un maître de la communication qui l’a aidée à devenir une communicatrice plus claire et plus confiante, tant dans le cadre de conférences que dans la rédaction d’articles.
« Il m’a aussi appris à adopter une vue d’ensemble et à être à l’affût de nouveaux domaines passionnants à explorer, dit Joyner. Il m’a encouragée à prendre des risques dans mes recherches scientifiques. »
La prise de risques en science est au cœur de la philosophie de mentorat de Bernstein. Il estime essentiel de permettre aux élèves d’être créatifs et d’apprendre par l’échec.
« [Alan Bernstein] m’a aussi appris à adopter une vue d’ensemble et à être à l’affût de nouveaux domaines passionnants à explorer. »
Alexandra Joyner, Membre, programme de biologie du développement Sloan Kettering Cancer Institute
« Je donne à mes étudiants beaucoup de latitude pour échouer, dit-il. Nous apprenons tous de nos erreurs. Et nous apprenons tous de nos réussites. Il est donc important que les étudiants connaissent l’échec et la réussite. Notre rôle en tant que mentors est de veiller à ce qu’ils ne choisissent pas un problème impossible — mais plutôt un problème réalisable et important, puis de les soutenir du mieux que nous pouvons. »
Robert Rottapel est maintenant chercheur principal et codirecteur de l’Initiative de recherche translationnelle sur le cancer de l’ovaire à l’Institut ontarien de recherche sur le cancer. Lorsqu’il était stagiaire postdoctoral dans le laboratoire de Bernstein, il se souvient du plus grand cadeau que lui a fait Bernstein, en lui montrant que la science est une activité humaine.
« Le succès de la recherche se mesure au caractère et à la créativité des gens avec qui vous travaillez, déclare Rottapel. Alan a créé un environnement d’intense créativité, de souci permanent d’excellence et d’ambition pour faire évoluer la science. Son laboratoire se caractérisait par un niveau d’interaction scientifique, personnelle et sociale intense et profond. J’ai essayé de reproduire ce modèle dans mon propre laboratoire. »
Rottapel et Joyner ont tous deux joué le rôle de mentors auprès de leurs propres générations de chefs de file, transmettant les valeurs, les leçons et l’expertise de recherche de Bernstein. Joyner se souvient que peu après l’obtention de son diplôme, Bernstein lui a dit qu’il craignait que le dynamisme dont elle faisait preuve en tant que chercheuse indépendante ne soit trop axé sur les projets en cours, ce qui l’empêcherait de faire du mentorat et d’avoir le temps nécessaire pour aider au perfectionnement de ses stagiaires.
« Alan a créé un environnement d’intense créativité, de souci permanent d’excellence et d’ambition pour faire évoluer la science. »
Robert Rottapel, Chercheur principal et codirecteur, Initiative de recherche translationnelle sur le cancer de l’ovaire, Institut ontarien de recherche sur le cancer
« J’ai essayé de garder à l’esprit ce rappel à l’ordre tout au long de mes plus de 35 ans à la tête d’un laboratoire », déclare Joyner.
En septembre 2021, Bernstein a annoncé qu’il ne solliciterait pas le renouvellement de son mandat pour une troisième période de cinq ans au CIFAR. Cette décision constitue encore une fois un clin d’œil à la prochaine génération de scientifiques. Le CIFAR s’apprête à fêter ses 40 ans, une occasion à la fois de célébrer le passé, mais aussi de se tourner vers l’avenir et de réaliser de plus grands objectifs.
« La raison pour laquelle je ne sollicite pas un troisième mandat est fort simple et tient à l’importance que revêtent à mes yeux la prochaine génération et l’avenir de la science et des organisations à vocation scientifique comme le CIFAR. Il s’agit d’une grande organisation qui joue un rôle essentiel et sans pareil dans le paysage mondial de la recherche. Je suis très fier de ce que tous les membres de l’équipe du CIFAR ont accompli au cours des neuf dernières années et demie. Le moment est venu de faire appel à une nouvelle direction et à de nouvelles perspectives pour faire passer le CIFAR au niveau suivant », a déclaré Bernstein.