Toute personne ayant joué à des jeux vidéo depuis l’époque de Pong a été témoin d’une évolution spectaculaire du rendu visuel, de plus en plus conforme aux lois de la physique. Certes, il existe encore des jeux qui se moquent allègrement des lois de Newton, comme le bond si satisfaisant de Mario dans son légendaire univers bidimensionnel. Mais les adeptes de nombreux jeux vidéo en vogue aujourd’hui réclament des simulations toujours plus réalistes — qu’il s’agisse de la neige qui crisse sous nos pas ou d’un objet qui rebondit selon les lois de l’énergie cinétique.
Derek Nowrouzezahrai est titulaire d’une chaire en IA Canada-CIFAR et de la chaire Ubisoft-Mila de mise à l’échelle des univers de jeux grâce à une IA responsable. Tant par ses travaux universitaires que par ses recherches appliquées menées en collaboration avec l’entreprise de jeux vidéo Ubisoft, il s’emploie, avec son équipe, à faire avancer deux usages de l’IA fondés sur la physique qui sont essentiels à la création de mondes virtuels réalistes. Le premier de ces usages vise des simulations propulsées par l’IA capables de reproduire des interactions réalistes malgré d’importantes contraintes de performance (une capacité de calcul de 16 millisecondes, par exemple), tout en traitant simultanément plusieurs tâches comme les commandes des utilisateurs et les communications réseau. Le second vise à améliorer la manière dont les modèles d’IA respectent la physique de la lumière pour obtenir des rendus visuels d’un réalisme époustouflant. Ces modèles doivent tenir compte de la position de la caméra virtuelle et reproduire fidèlement les jeux de la lumière sur différentes surfaces telles que le verre, le métal, la fourrure et l’eau.
En intégrant les lois de la physique aux modèles d’IA, Derek Nowrouzezahrai et son équipe les entraînent à apprendre plus vite et efficacement. Grâce à ces informations préalables, les modèles n’ont pas besoin d’énormes quantités de données pour comprendre des principes fondamentaux comme la gravité — ce qui se traduit par des économies de temps et de ressources. Résultat : un processus d’entraînement plus rapide et des systèmes d’IA plus fiables et plus précis.
Plus les modèles d’IA destinés à la conception de jeux vidéo se perfectionnent, plus ils peuvent contribuer à produire des univers de jeux complexes. Mais qu’est-ce que cela signifie pour les équipes de conception de jeux? Comme dans bien d’autres secteurs, les travailleurs et travailleuses de l’industrie du jeu s’inquiètent des répercussions de l’IA générative sur leur emploi. Il s’agit là d’une autre problématique sur laquelle se penche Derek Nowrouzezahrai, qui s’intéresse non seulement aux aspects techniques de l’IA générative, mais aussi à ses impacts sociétaux.
« L’IA générative peut alléger certaines étapes du processus de conception de jeux, en stimulant la productivité des artistes sans se substituer à leur créativité, explique-t-il. Il faut comprendre que l’apport artistique est primordial pour assurer le succès de ces expériences de jeu. Il y a toute une gamme de possibilités entre l’automatisation totale de la création de contenu et sa réalisation manuelle. Nous pensons qu’il existe un juste milieu, car nous savons que, par définition, l’inspiration créative est unique. Cette créativité est mue et façonnée par un élan artistique. Et si elle peut être enrichie et soutenue par l’IA, elle ne peut être entièrement remplacée. Au lieu de se demander comment nos emplois vont disparaître, je pense qu’il faut se demander comment ils vont évoluer. À mes yeux, c’est une illustration parlante du potentiel de collaboration étroite qui existe entre la technologie et l’humain. »
Depuis sa nomination à titre de titulaire de chaire en IA Canada-CIFAR à Mila, il y a un an, Derek Nowrouzezahrai voit dans cette fonction un levier précieux pour bâtir une communauté dynamique et collaborative, propice à l’échange d’idées nouvelles.
« Ce qui me frappe, c’est l’enthousiasme avec lequel les gens découvrent comment leurs travaux ou leurs champs d’intérêt se rattachent à d’autres domaines et à d’autres problématiques auxquels nous n’aurions autrement pas pensé – par exemple, adapter de nouvelles techniques de vision par ordinateur pour améliorer la simulation de la lumière dans un univers virtuel, poursuit-il. J’évolue à la croisée de deux domaines, l’infographie et l’apprentissage automatique. Il est fascinant de voir à quel point les synergies entre les deux se sont développées et comment leur influence s’est encore élargie. Le Canada s’est révélé un terrain de jeu formidable pour réaliser ce travail. Je suis extrêmement reconnaissant. Je me considère chanceux, et mon équipe aussi. »
Derek Nowrouzezahrai, titulaire d’une chaire en IA Canada-CIFAR à Mila