REACH 2025: Réseaux novateurs
Par Krista Davidson
Des spécialistes de différents secteurs unissent leurs forces pour trouver des solutions d’IA responsables dans le domaine de la santé. Leurs travaux pourraient permettre de mieux prédire et prévenir des maladies mortelles comme le diabète et la cardiopathie.
Imaginez un avenir où la technologie aide les médecins à évaluer la probabilité qu’une population particulière soit atteinte de diabète de type 2, ou à repérer plus rapidement les signes d’une cardiopathie sur des images médicales. Les progrès de l’intelligence artificielle (IA) nous permettent d’améliorer sans cesse notre façon d’aborder les défis de longue date en santé et donnent lieu à de nouveaux outils qui favorisent un dépistage plus précoce et des soins plus personnalisés.
Même si l’IA a ouvert un monde de possibilités en santé, il reste encore beaucoup à faire pour surmonter les obstacles à son déploiement. Les Réseaux de solutions du CIFAR ont été mis en place pour mieux comprendre les impacts émergents de l’IA sur la société et mettre en œuvre des solutions responsables.
Actuellement, deux Réseaux de solutions du CIFAR abattent les obstacles et rassemblent des réseaux distincts de spécialistes interdisciplinaires, de scientifiques et de personnes issues des secteurs public et privé en vue de trouver des solutions.

Prédiction et prévention du diabète de type 2
Selon les National Institutes of Health, le diabète de type 2 est l’une des maladies chroniques dont l’incidence augmente le plus rapidement au monde. Il s’agit aussi d’une maladie très coûteuse; son fardeau économique devrait dépasser les 2 000 milliards de dollars américains d’ici 2030.
Au Canada, les statistiques révèlent une tendance inquiétante quant à l’augmentation du diabète : environ 50 millions de dollars par jour sont consacrés au traitement du diabète et à la prise en charge des complications connexes.
Comme le diabète de type 2 est évitable, ces statistiques sont décourageantes; malheureusement, les progrès sont freinés par une série de facteurs interdépendants : disparités socio-économiques, accès insuffisant aux soins de santé, coûts élevés des médicaments et manque d’accès à des aliments sains et abordables.
Le Réseau de solutions sur l’IA au service de la prédiction et de la prévention du diabète du CIFAR collabore avec des partenaires de la région de Peel en Ontario – l’une des municipalités les plus grandes et les plus diversifiées du Canada affichant une prévalence élevée de diabète – afin de surmonter ces obstacles.
L’équipe participe à la conception conjointe d’un déploiement socialement responsable d’un ensemble d’algorithmes déjà validés, fondés sur l’apprentissage automatique et capables de prédire et donc de prévenir le diabète de type 2 à l’échelle de la santé populationnelle. Les membres du réseau espèrent que ce travail contribuera à promouvoir l’intégration des programmes de prévention et de prise en charge dans les segments de la population les plus à risque.
« Nous savons que c’est possible. Nous disposons de la technologie nécessaire, mais nous ignorons comment l’adapter à un système de soins de santé complexe et hautement réglementé », déclare Laura Rosella, professeure à l’École de santé publique Dalla Lana de l’Université de Toronto et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en analytique de la santé des populations. Laura Rosella codirige le Réseau de solutions, composé de six spécialistes interdisciplinaires dans divers domaines comme la bioéthique, l’informatique, l’épidémiologie et la santé communautaire.
L’équipe travaille directement avec les prestataires de soins, les responsables de la santé publique et d’autres instances afin de contribuer à la conception de la technologie. Celle-ci conjuguera les connaissances scientifiques sur la maladie et une plateforme d’IA pour l’intégrer à l’échelle de la population. L’équipe espère une mise en œuvre de son outil d’ici l’automne 2026.
« L’outil fait le pont entre la bonne gouvernance, la prise de décision et un processus systématique clair pour mobiliser les bonnes personnes au bon moment lors du déploiement des technologies », explique James Shaw, professeur adjoint à l’Université de Toronto et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’innovation responsable en santé.
Vu la complexité du système de soins de santé, il convient d’aborder cette question avec prudence.
« L’idée d’une IA responsable a fait couler beaucoup d’encre, explique James Shaw. Il est facile de considérer l’IA comme un artefact, mais la façon dont nous envisageons le déploiement et la gouvernance de ces technologies est plus complexe, et cette responsabilité peut et devrait être intégrée à l’ensemble du processus. »

Transformer l’avenir de l’imagerie médicale grâce à l’IA
L’IA a déjà transformé la technologie de l’imagerie médicale – comme les rayons X, l’IRM et la tomodensitométrie – facilitant plus que jamais la détection, la prévention et le traitement des maladies. Cependant, au Canada, les restrictions actuelles limitent le déploiement des outils d’IA aux premiers stades de dépistage – qu’il s’agisse de modèles commerciaux ou de recherche – en raison de contraintes réglementaires et de préoccupations liées à la confidentialité et à la sécurité.
Une équipe de scientifiques multidisciplinaires s’est réunie pour former un Réseau de solutions sur l’IA intégrée au service de l’imagerie médicale. Leur nouvel outil, connu sous le nom de PACS (système d’archivage et de transmission d’images)-IA, pourrait révolutionner l’utilisation de l’IA en imagerie médicale.
Le système PACS est beaucoup utilisé dans les hôpitaux d’Amérique du Nord et d’Europe pour stocker les images médicales. Cependant, l’intégration de modèles d’IA dans un PACS s’est révélée difficile. Le système PACS-IA résout ce problème en fournissant une interface sécurisée pour permettre aux modèles d’IA d’interagir avec le PACS en temps réel, ce qui facilite la validation des tests et les processus d’approbation réglementaire. Par conséquent, cela accélère l’accès des médecins aux outils d’IA, améliore les soins à la patientèle et facilite l’évaluation de l’impact, ce qui, au bout du compte, améliore la précision diagnostique et les flux de travail cliniques.
« Notre logiciel est une solution clé en main qui s’intègre de manière transparente à un référentiel de données d’imagerie continuellement mis à jour », explique Robert Avram, coresponsable du Réseau de solutions. Avram est cardiologue interventionnel et professeur adjoint en clinique à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal et à l’Institut de cardiologie de Montréal.
« Il prend en charge un grand nombre de modalités – des scans 3D et IRM complexes aux images 2D standard comme la radiographie thoracique – et facilite le déploiement rapide de modèles avancés de visualisation informatique pour mieux aider au diagnostic. »
Cet outil novateur a déjà contribué à des recherches novatrices et suscité un intérêt positif de la part de la communauté médicale, y compris une publication dans le New England Journal of Medicine: Artificial Intelligence. Dans une étude portant sur plus de 200 personnes à Montréal, à San Francisco et à Ottawa, CathEF – un algorithme d’IA de détection de la réduction de la fraction d’éjection en cas de crise cardiaque – a été intégré avec succès au système PACS-IA. Il s’est démontré à la fois rapide et précis, fournissant des prédictions en moins de cinq secondes et identifiant de manière fiable les lésions cardiaques sous-jacentes.

« Grâce à PACS-IA, le personnel clinique sera en mesure de traiter de nombreuses modalités et de normaliser les algorithmes », ajoute Samuel Kadoury, ingénieur en logiciel informatique, professeur titulaire à Polytechnique Montréal et chercheur au Centre de recherche du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM). « Cela signifie qu’il est possible de recourir aux mêmes algorithmes de prédiction basés sur l’IA, quel que soit le lieu d’acquisition des images ou leur utilisation en recherche ou dans des essais cliniques. »
L’équipe, qui compte des spécialistes de la cardiologie, de l’informatique, de l’analytique en santé, du droit des technologies de l’information, de l’imagerie médicale et de l’apprentissage automatique, travaille à la fois sur une plateforme de PACS-IA à code source ouvert et fermé. Son expertise interdisciplinaire permettra de transposer les outils d’IA dans les soins de santé et d’offrir à d’autres scientifiques et spécialistes cliniques des mécanismes d’IA responsables – par exemple, un ensemble de mesures d’équité qui peuvent aider les médecins à évaluer les données utilisées pour entraîner les modèles – qui contribueront à faire progresser la recherche future.
« De nombreuses plateformes existantes sont à code source fermé et difficiles à modifier. Nous souhaitons soutenir à la fois la communauté de la recherche et la communauté clinique. Notre objectif est de disposer de modèles de pointe qui ne sont pas encore réglementés à utiliser aux fins d’expérimentation, mais nous voulons aussi pouvoir soutenir les algorithmes réglementés qui ont reçu l’approbation de Santé Canada ou de la FDA pour les soins cliniques », explique Avram.
L’objectif est de permettre aux médecins possédant différentes expertises et spécialités, telles que la radiologie et l’oncologie régionale, d’intégrer des outils d’IA dans leur flux de travail clinique, tout en améliorant l’accès aux épreuves médicales avancées et aux soins de santé.
Au moment de la parution de la présente revue, le système PACS-IA a déjà été intégré comme outil de recherche à l’Institut de cardiologie de Montréal, au CHUM et à l’Institut de cardiologie d’Ottawa, et d’autres sont à venir.

Elissa Strome, directrice générale de la Stratégie pancanadienne en matière d’IA au CIFAR, déclare : « Au fil de l’intégration de l’IA dans nos systèmes de soins de santé, le défi consistera à garantir que les progrès réalisés respectent les valeurs d’une innovation responsable et éthique. En créant des lieux de collaboration entre les disciplines et les secteurs, et en incluant les personnes utilisatrices et la patientèle dans le processus de conception, ces réseaux façonnent un avenir où l’exploitation des données, de l’IA et de l’expertise en contexte réel se traduira par la prestation de soins de meilleure qualité. »
Les Réseaux de solutions du CIFAR préparent le terrain à un avenir dynamique, équitable et sain.
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