Par: Cynthia Macdonald
14 Jan, 2019
En 2002, Paremeswaran Ajith s’est retrouvé à étudier les ondes gravitationnelles après ce qu’il appelle une « série d’accidents ». Mais les accidents sont parfois vraiment très heureux : le domaine choisi par Ajith allait bientôt changer le visage de l’astronomie et permettre à ses collègues de réaliser des découvertes que l’on croyait autrefois impossibles.
Ajith a grandi dans l’état tropical du Kerala, dans le sud-ouest de l’Inde. Il a un jour rêvé de devenir cinéaste, mais il a finalement fait une maîtrise en sciences. Après le rejet d’une demande d’admission à un programme d’été en physique statistique et en physique de la matière condensée, il ne savait plus trop où la vie le mènerait.
La réponse lui est venue quand un de ses professeurs a écrit une lettre de présentation à Sanjeev Dhurandar, l’un des deux seuls spécialistes des ondes gravitationnelles en Inde. Après un été très productif dans le laboratoire de Dhurandar, l’avenir d’Ajith était assuré. Il a immédiatement entrepris un doctorat en astrophysique.
On peut décrire les ondes gravitationnelles comme des ondulations dans le tissu de l’espace-temps. Elles sont causées par l’accélération massive d’objets géants découlant de leur fusion ou de leur collision dans diverses régions de l’Univers. En 1916, Albert Einstein avait prédit l’existence de telles ondes dans le cadre de sa théorie de la relativité générale, mais il a fallu près de 100 ans aux astrophysiciens pour en faire l’observation, grâce à l’Observatoire d’ondes gravitationnelles par interférométrie laser (LIGO), un projet réalisé actuellement dans deux sites aux États-Unis.
Au sein du programme des Chercheurs mondiaux, je fais partie d’un groupe dynamique qui se penche sur différentes choses : non seulement la science, mais aussi l’histoire, la psychologie et l’éducation. Et au sein du programme Extrême univers et gravité, je rencontre certains des plus grands cerveaux dans mon domaine.
« Les ondes gravitationnelles constituent une toute nouvelle façon d’observer l’Univers », dit Ajith, à son bureau du Centre international de physique théorique, à Bengaluru. « Elles nous ont permis, par exemple, d’observer des systèmes binaires composés de deux trous noirs. Auparavant, presque tout ce que nous savions sur l’Univers découlait de l’observation des ondes électromagnétiques. Mais les trous noirs n’émettent pas de lumière : les ondes gravitationnelles constituent le seul moyen de les étudier. Conséquemment, nous pouvons maintenant voir une nouvelle population de trous noirs dont nous ignorions l’existence. »
En 2007, Ajith a fait le pari avec l’un de ses collègues doctorants que ces célèbres ondes seraient détectées d’ici 2015. Mais comme LIGO ne serait pleinement opérationnel qu’en 2015, c’était un pari qu’il était prêt à perdre. Rendu là, il avait assumé ses fonctions actuelles de professeur et se rendait en Allemagne pour travailler à un projet à l’Institut Albert Einstein à Hanovre. Toutefois, deux jours après son départ, la première onde gravitationnelle a été détectée. Ajith a gagné son pari avec plusieurs mois d’avance.
LIGO construit actuellement un nouveau détecteur en Inde, dont la mise en service est prévue pour 2025. En tant que l’un des membres fondateurs d’un groupe qui a lancé le projet, Ajith est évidemment très enthousiaste.
« Pour les Indiens, il s’agit d’une occasion exceptionnelle d’être à l’avant-garde d’une nouvelle frontière de la recherche », dit-il. Plus de 100 000 citoyens indiens titulaires d’un doctorat travaillent actuellement à l’étranger, dont 91 000 aux États-Unis. Un projet comme LIGO pourrait les aider à rester dans leur pays et, par le fait même, cela permettrait d’enrichir la recherche et le développement à l’échelle locale. « Nous avons une population très importante de jeunes et beaucoup d’entre eux ont de grandes aspirations », ajoute Ajith.
Ajith précise que pour des raisons techniques de nouveaux sites LIGO sont nécessaires. Comme un détecteur à lui seul ne peut pas repérer l’origine des ondes gravitationnelles, les astrophysiciens ont besoin de données issues d’observatoires très éloignés les uns des autres à l’échelle de la planète. Grâce à l’établissement de LIGO en Inde et d’un autre site au Japon, cette tâche sera finalement possible.
Le CIFAR œuvre à l’appui des travaux d’Ajith de deux façons. « Au sein du programme des Chercheurs mondiaux, je fais partie d’un groupe dynamique qui se penche sur différentes choses : non seulement la science, mais aussi l’histoire, la psychologie et l’éducation. Et au sein du programme Extrême univers et gravité, je rencontre certains des plus grands cerveaux dans mon domaine. Les réunions du CIFAR sont toujours amusantes, mais aussi très motivantes. Il fait bon faire partie de cette organisation. »