Par: Jon Farrow
26 Mar, 2020
Iair Arcavi se délecte de bonnes métaphores. « En tant qu’astronomes, nous avons l’Univers en guise de laboratoire », dit-il.
« Mais imaginez que vous ne pouvez pas entrer dans votre laboratoire, vous ne pouvez que rester dans le cadre de porte. Vous avez les mains liées. Il y a très peu de lumière. Les expériences s’effectuent de façon aléatoire et vous devez réussir à comprendre ce qui se passe. » Voilà à quoi ressemble la vie d’un astronome.
Dans bien d’autres domaines, les chercheurs peuvent concevoir des expériences contrôlées pour mettre à l’essai des hypothèses, mais les astronomes, eux, doivent trouver moyen d’observer l’Univers en action.
Alors pourquoi Arcavi, dont la carrière universitaire a débuté en mathématiques et en physique des particules, des domaines où on peut exercer un certain contrôle, a-t-il décidé de se lancer en astronomie et d’accepter volontairement d’avoir les mains liées et de travailler dans la pénombre? Grâce aux possibilités emballantes qu’offre un Univers regorgeant de mystères. « Pour compenser le fait d’avoir les mains liées, la taille du laboratoire frôle l’infini, et tout peut y arriver à tout moment », dit-il. « Il faut simplement attraper la balle au bond. »
Arcavi, professeur adjoint d’astronomie à l’Université de Tel-Aviv, se joint au programme Extrême Univers et gravité du CIFAR. Dans ses recherches, il fouille le cosmos afin d’y repérer les événements les plus énergétiques et d’élucider la physique fondamentale de l’Univers. Ses travaux mettent l’accent sur trois types d’astronomie extrême : les supernovæ, l’explosion d’étoiles massives en fin de vie; les événements de rupture par effet de marée où des étoiles se font déchiqueter par des trous noirs; et la fusion d’étoiles à neutrons.
Ce dernier type d’événement se produit quand deux étoiles d’une densité extrême entrent en collision dans une explosion qui transmet des ondulations à travers l’espace-temps. Des télescopes optiques ont pu détecter une seule collision du genre, en 2017, et la découverte a fait des vagues dans la communauté astronomique, car c’était la première fois que des chercheurs réussissaient à étudier directement la source d’ondes gravitationnelles.
Stagiaire postdoctoral à l’époque, Arcavi travaillait sur un réseau de télescopes robotisés, éparpillés sur trois continents, avec des avant-postes au Chili, en Australie et en Afrique du Sud.
« Nous n’avions que quelques heures pour capter la première lueur émanant de cet événement : un événement astronomique d’une telle rapidité n’avait pratiquement jamais été vu », explique-t-il. « Nous étions l’un de nombreux groupes à l’observer au cours de la première nuit à partir d’observatoires au Chili, mais nous avons été le seul groupe à pouvoir l’observer de nouveau en Australie et ensuite, en Afrique du Sud, avant que la Terre ne fasse une rotation complète sur 24 heures et que tout le monde puisse observer l’événement de nouveau au Chili. Comme tout évoluait si rapidement, les deux observations intermédiaires se sont révélées essentielles pour cartographier l’ensemble des changements qui se sont produits. »
Arcavi voit des avantages aux grandes collaborations, comme le réseau qu’il a utilisé lors de ses études postdoctorales ou celui qui est à l’origine de la photo d’un trou noir et dont les journaux ont fait grand cas en 2019. Mais ce que peuvent accomplir quelques personnes brillantes, en observant le ciel de façon créative et novatrice, l’enthousiasme aussi.
« En astronomie, deux modes de fonctionnement me plaisent beaucoup », dit-il. « D’un côté, j’aime participer à des collaborations d’envergure dont les réalisations seraient autrement impossibles et, d’un autre côté, c’est passionnant de participer à des projets plus modestes où, pour réaliser des découvertes, il ne suffit que d’une petite équipe, de créativité et de quelques télescopes. »
Nouveau Chercheur mondial CIFAR-Azrieli depuis 2019, Arcavi est emballé par son travail au sein du programme Extrême Univers et gravité qui stimule sa curiosité et lui permet d’interagir avec d’éminents astronomes, mais il tient aussi à acquérir des connaissances par l’entremise de chercheurs en dehors de son domaine : des biologistes et des philosophes, membres d’autres programmes, qu’il n’aurait peut-être pas eu l’occasion de rencontrer autrement.
« Mon processus de réflexion est optimal quand j’ai des discussions sur tout sujet intéressant », dit-il. « On ne sait jamais d’où jaillira une idée, je crois donc qu’il est important (et plaisant!) de faire preuve de curiosité à l’égard d’autres domaines. Grâce au programme des Chercheurs mondiaux CIFAR-Azrieli, j’ai l’occasion d’interagir avec les plus grands chercheurs de mon niveau universitaire issus de nombreux horizons différents avec lesquels je n’aurais jamais pu tisser de liens autrement. »
Le monde de l’astronomie est plus ou moins divisé en deux : les théoriciens, qui formulent des équations et réalisent des modèles de l’Univers pour décrire ses principes physiques, et des observateurs qui, comme Arcavi, tentent de se servir de ce qui se passe dans le cosmos pour confirmer ou infirmer ces théories. L’attrait de la découverte d’événements dits impossibles par les théories actuelles incite Arcavi à se replonger sans cesse dans le ciel étoilé.
« L’Univers est rempli d’événements que nous ne comprenons pas, car ils sont trop brillants ou trop rapides par rapport à ce que les lois de la physique devraient, semble-t-il, permettre », dit-il. « Et l’expérience nous a montré que chaque fois que nous pointons un télescope vers le ciel d’une nouvelle façon, quelque chose de nouveau, qui avait échappé aux prédictions, s’offrira à nous. »
Le programme des Chercheurs mondiaux CIFAR-Azrieli œuvre à l’appui de chercheurs exceptionnels en début de carrière en leur offrant financement, mentorat, accès à un réseau mondial et perfectionnement professionnel.