L’innovation apporte à la société des avantages largement reconnus comme la croissance économique et le bien-être social et culturel. Toutefois, les avantages que procure l’innovation sont rarement distribués de façon équitable dans la société. Comment les politiques gouvernementales peuvent-elles encourager une plus grande inclusivité au sein des économies de l’innovation, et quels sont les obstacles à surmonter pour y parvenir?
Les panélistes d’unwebinaire public, dont des membres du programmeInnovation, équité et avenir de la prospérité du CIFAR, organisé par l’École Munk des affaires internationales et des politiques publiques de l’Université de Toronto avec le soutien du CIFAR, ont participé à une séance d’information virtuelle le 18 décembre 2020 avec des décideurs politiques du gouvernement fédéral canadien. Dans le cadre d’un panel interactif, cette séance d’information a permis aux chercheurs, aux dirigeants de la société civile et aux décideurs politiques du gouvernement de définir et de partager leurs intérêts et priorités mutuels en matière d’égalité, d’innovation et de croissance distributive. Ce rapport présente les principaux messages issus du webinaire et de la séance d’information.
Résultats clés et priorités
L’« innovation » consiste à appliquer les connaissances pour permettre le développement de produits, de services ou d’une organisation du travail de nature nouvelle ou améliorée, en vue de créer une valeur économique et sociale, telle qu’une productivité accrue ou une meilleure durabilité environnementale. L’« inclusion » englobe trois critères : la participation (de toutes les personnes en tant que travailleurs, entrepreneurs, étudiants, etc.), la distribution (plus équitable des avantages et de l’accès) et l’habilitation (de sorte que chacun aura la possibilité de contribuer à la prise de décision en matière d’innovation dans les entreprises et la société en général).
Il n’y a pas nécessairement de compromis à faire entre l’innovation et l’inclusion. En fait, un système d’innovation plus inclusif serait non seulement plus équitable, mais pourrait aussi aider la société et l’économie à croître plus rapidement en permettant à un plus grand nombre de personnes de contribuer. L’objectif d’une « politique d’innovation sensible à la distribution » est d’accroître la valeur de l’innovation sans augmenter les inégalités, voire même les réduire.
Le Canada n’est pas aussi novateur qu’il le pourrait, ni aussi inclusif qu’il le souhaiterait.
Le Canada fait mieux qu’on pourrait s’y attendre en matière d’inventions et a la possibilité de créer des réseaux et des chaînes de production aptes à transformer ces inventions en d’autres innovations au pays et à exploiter les avantages qui en découlent. Il est nécessaire de formuler une véritable politique d’innovation dont la durée de vie dépasse celle d’un cycle budgétaire et qui soit institutionnalisée au sein de la fonction publique et des organismes publics.
Il faut également avoir des discussions plus profondes sur l’inclusion pour parler non seulement de participation, mais aussi des dimensions plus délicates de la distribution et de l’habilitation afin d’obtenir des changements plus substantiels. Par exemple, même si de nombreux groupes racialisés au Canada sont dans le secteur de l’innovation (et ont tendance à avoir une scolarisation plus grande que leurs pairs), ils sont moins bien payés, ils se sentent moins habilités à présenter leurs idées novatrices et sont moins convaincus que leur contribution sera appréciée.
La trajectoire de l’innovation n’est pas déterminée; les politiques et l’intervention humaine peuvent la façonner. Bien que de nombreux exemples actuels d’innovation numérique accroissent les inégalités en privant les travailleurs de leur autonomie (par exemple, dans une chaîne de fabrication automobile, les capteurs arrêtent la presse d’emboutissage dès la détection d’un problème et exigent l’intervention d’un superviseur pour le résoudre), l’innovation numérique peut aussi habiliter les travailleurs (par exemple, dans des situations où les travailleurs sont plus qualifiés et aptes à régler seuls les problèmes signalés par les capteurs).
Au cours des 25 dernières années, Silicon Valley et Israël ont souvent été qualifiés de modèles d’innovation. Cependant, il s’agit également de deux des sociétés les plus inégalitaires. Un modèle de jeunes entreprises fondé sur le capital-risque tend à profiter aux ingénieurs (issus pour la plupart d’universités de recherche bien dotées en ressources), aux investisseurs et aux avocats, mais crée peu d’emplois véritables; bien que certains semblent en retirer de la valeur, il s’agit souvent d’une simple redistribution de la valeur existante. Il faut trouver d’autres modèles.
Par exemple, en Europe (en particulier dans les pays nordiques), les syndicats sont plus souvent parties prenantes aux discussions sur les stratégies nationales de R et D et d’innovation, ce qui pourrait susciter une innovation qui donnerait davantage de pouvoir aux travailleurs tout en contribuant à les convaincre de soutenir l’innovation, sachant que cela n’entraînera pas de perte d’emploi. Taïwan pourrait aussi servir de modèle : pendant la pandémie de COVID-19, le pays a pu rapidement réorienter sa production manufacturière pour se concentrer sur l’équipement de protection individuelle et en garantir la distribution équitable. Il convient de noter que ces sociétés sont plus homogènes que le Canada et que les modèles pourraient ne pas s’appliquer pleinement au contexte canadien.
Au Canada, on peut tirer des leçons de certains exemples locaux et régionaux, notamment à Terre-Neuve (où une partie des bénéfices de l’extraction de combustibles fossiles est affectée à l’éducation et à la R et D pour aider la population à se recycler), dans la région de Hamilton, en Ontario (où une grappe d’entreprises locales en sciences de la vie est axée sur la santé), des programmes de développement économique dans l’Ouest (qui tiennent compte des populations rurales et autochtones et des difficultés d’accès aux ressources en raison de la géographie, et qui offrent des services de soutien complets, dont le réseautage et le mentorat), et de certains programmes de formation professionnelle pour les communautés autochtones (qui offrent de la souplesse ou un soutien supplémentaire en fonction de facteurs comme la distance à parcourir ou le temps nécessaire pour les activités culturelles).
Pour soutenir les politiques d’innovation inclusives, il faut disposer de meilleures données et mesures grâce à leur collecte plus systématique et rassembler les communautés politiques axées sur l’innovation et celles axées sur l’inclusion et l’équité afin que la discussion ne soit pas seulement anecdotique. Ces données constitueraient la base de référence pour mesurer l’impact des politiques.
Alors que certaines données sont disponibles pour les femmes, elles sont beaucoup plus difficiles à obtenir pour de nombreux groupes racialisés ou personnes de diverses identités de genre. Il convient d’inclure d’autres dimensions telles que la région ou la géographie, le handicap et le niveau de compétence.
Il faut aussi mesurer les résultats pertinents découlant d’un objectif stratégique comme le nombre d’emplois créés plutôt que le degré d’« innovation » d’une entreprise, ou l’impact sur le travail hors marché (dont le fardeau retombe souvent sur des groupes actuellement sous-représentés dans la population active). Pour mettre en œuvre une politique d’innovation sensible à la distribution, il faudra se demander comment une politique influence la distribution économique et si cet effet est souhaitable et, dans le cas contraire, comment le prévenir ou l’atténuer.
Panélistes
Dan Breznitz, codirecteur, Laboratoire de politiques d’innovation, et professeur, Université de Toronto, et codirecteur, programme Innovation, équité et avenir de la prospérité, CIFAR
Susan Helper, professeure, Université Case Western Reserve, et codirectrice, programme Innovation, équité et avenir de la prospérité, CIFAR
Daniel Munro, boursier principal, Laboratoire de politiques d’innovation, Université de Toronto, et conseiller en recherche, Institut Brookfield pour l’innovation + l’entrepreneuriat
Anjum Sultana, directrice nationale, politiques et communications, YWCA Canada
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