APERÇU DES NOUVEAUX PROGRAMMES DU CIFAR
En avril 2023, le CIFAR a dévoilé trois nouveaux programmes découlant de l’Appel à idées mondial. Ces programmes incarnent des défis de recherche audacieux et à fort impact - et l’avenir de l’être humain.
Le monde se trouve à un point d’inflexion. Les changements rapides dans l’environnement, la technologie et les menaces à la santé humaine exacerbent les inégalités et révèlent la nécessité de revoir notre position en tant qu’êtres humains et citoyens du monde.
Trois nouveaux programmes de recherche du CIFAR, et leur nouvelle direction, sont prêts à se pencher sur des questions importantes et audacieuses concernant l’avenir de l’être humain. Par l’exploration de facteurs environnementaux, sociologiques et philosophiques, entre autres, ces scientifiques tentent de trouver des solutions aux nouveaux défis du monde.
AVENIR ET ÉPANOUIS-SEMENT
CORESPONSABLES DE LA RECHERCHE :
TAREK ELHAIK, Université de la Californie à Davis, États-Unis
CHRISTOPHER KELTY, Université de la Californie à Los Angeles, États-Unis
HÉLÈNE MIALET, Université York, Canada
L’exceptionnalisme humain, l’idée que l’être humain est distinct de tous les autres organismes et séparé de son environnement, a dominé la pensée occidentale. Mais aujourd’hui, cette idée suscite de plus en plus de critiques.
Les membres du nouveau programme Avenir et épanouissement du CIFAR pose la question suivante : «Que signifie (bien) vivre sans exceptionnalisme humain?»
Cette question arrive à point nommé. «L’instabilité croissante du monde - en matière de politique, d’environnement et d’économie - tient en partie à la “fiction” de l’exceptionnalisme humain, déclare Hélène Mialet. L’avenir de l’être humain prend en compte les multiples relations avec les humains ou les non humains qui font de nous ce que nous sommes.»
Le programme, conçu par les coresponsables comme un défi innovant aux débats actuels en études scientifiques et technologiques, en écologie poli-tique, en études animales, en études scientifiques féministes, en sciences humaines de l’environnement et en arts contemporains, examinera le monde de façon holisitique afin de redéfinir ce que signifie être humain.
« L’instabilité croissante du monde - en matière de politique, d’environnement et d’économie - tient en partie à la “fiction” de l’exceptionnalisme humain. »”
Le programme réunira un réseau hautement interdisciplinaire de «L’instabilité croissante du monde - en matière de politique, d’environnement et d’économie - tient en partie à la “fiction” de l’exceptionnalisme humain.» scientifiques et de spécialistes de nombreux domaines, notamment la philosophie, l’histoire, la conservation, la restauration, l’art et l’anthropologie.
«Nous disposerons ainsi de l’environnement idéal où poser de nouvelles questions et générer de nouvelles solutions qui pourraient ne pas cadrer avec les disciplines ou les domaines établis, voire exiger leur redéfinition ou la création d’autres disciplines», explique Mialet.
Il faut aussi de nouvelles méthodologies pour comprendre les relations entre les humains et ceux dont nous dépendons pour vivre. «Le pouvoir de l’imagination est la clé de notre travail et nous l’utiliserons de manière audacieuse et souvent inattendue», déclare Tarek Elhaik.
Selon Christopher Kelty, les résultats des recherches réalisées dans le cadre de ce programme pourraient avoir une profonde influence sur « la manière dont nous abordons les autres créatures, dont nous définis-sons notre propre bonheur et notre réussite, dont nous réparons ce qui a été endommagé et dont nous nous épanouirons à l’avenir ». Nous pourrons peut-être même « échapper à certains pièges de la pensée sur ce que signifie être humain ».
AVENIR URBAIN DE L’HUMANITÉ
CORESPONSABLES DE LA RECHERCHE :
DIANE DAVIS, Harvard University, United States
SIMON GOLDHILL, Cambridge University, United Kingdom
Quelles sont les caractéristiques d’une bonne ville de l’avenir?
Les membres du nouveau programme du CIFAR, Avenir urbain de l’humanité, étudient la forme que devrait prendre un environnement urbain vivable et adaptable. Leurs recherches prendront en compte de nombreux facteurs importants, notamment les infrastructures (matérielles et institutionnelles), les divisions politiques, les questions d’échelle, les changements climatiques et d’autres crises éventuelles qui se prof-lent à l’horizon.
«Comment planifier l’aménagement d’une ville, sachant que la ville se développera au-delà du plan établi – et à grande vitesse?», demande Simon Goldhill.
Pour trouver réponse à ces questions, le programme examinera six villes : Calcutta (Inde), Kinshasa (République démocratique du Congo), Naples (Italie), Mexico (Mexique), Shanghai (Chine) et Toronto (Canada).
« Comment planifier l’aménagement d’une ville, sachant que la ville se développera au-delà du plan établi – et à grande vitesse? »
Malgré leur histoire, leur culture et leur géographie différentes, ces villes «sont généralement confrontées à des défis existentiels similaires et tendent à persister, à se développer et à changer», explique Diane Davis, qui ajoute que des réunions de programme sont prévues dans chaque ville au cours des prochaines années afin de réaliser des recherches de première main.
L’objectif est de lancer une conversation plus vaste sur les politiques, l’innovation et les infrastructures, pour éclairer une réflexion et un apprentis-sage collectifs sur la manière dont nous devons préparer l’avenir, ajoute-t-elle. «Nous espérons que notre travail changera la façon dont on imagine les villes et permettra de façonner au mieux l’avenir urbain de l’humanité», déclare Goldhill.
ÊTRE HUMAIN MULTIÉCHELLE
CORESPONSABLES DE LA RECHERCHE :
GARY BADER, Université de Toronto, Canada
KATY BÖRNER,Université de l’Indiana, États-Unis
SARAH TEICHMANN, Institut Wellcome Sanger et Université de Cambridge, Royaume-Uni
Imaginez un «Google Maps» pour le corps humain. De la cartographie des molécules individuelles à celle d’une personne entière, à travers les populations et le temps, les membres du nouveau programme Être humain multiéchelle du CIFAR cherchent à créer une encyclopédie universelle du corps humain qui transformerait la recherche et la pratique biomédicales.
«Les connaissances fondamentales que nous découvrons sur le corps humain, associées à nos nouvelles méthodes expérimentales et computationnelles d’analyse multiéchelle, pro-mettent de déclencher une révolution en médecine», déclare Sarah Teichmann. Bien que nous sachions qu’une mutation de l’ADN peut toucher tous les systèmes de l’organisme, nous comprenons mal ces effets et leurs relations réciproques.
« L’élucidation de ce processus nous permettrait de prédire les effets des perturbations génétiques et environnementales et de savoir comment les maîtriser», explique Gary Bader.
Un projet aussi ambitieux se heurte à de nombreux défis : comment associer des données issues de différentes modalités, à différentes échelles spatiales et temporelles, et représenter avec précision la diversité de la population humaine? Une approche interdisciplinaire s’impose. L’équipe considère aussi que l’apprentissage automatique pourrait se révéler utile.
« Les connaissances fondamentales que nous découvrons sur le corps humain, associées à nos nouvelles méthodes expérimentales et computationnelles d’analyse multiéchelle, promettent de déclencher une révolution en médecine. »
« La cartographie multiéchelle du corps humain est un merveilleux défi qui nécessitera à la fois l’intelligence humaine et l’intelligence artificielle», affirme Katy Börner.
L’interdisciplinarité et la possibilité de travailler sur une longue période représentent des atouts majeurs pour ces scientifiques. «Il est fantastique de pouvoir travailler ensemble sur une période prolongée, ce qui n’est pas le cas avec d’autres sources de financement», déclare Teichmann lorsqu’elle évoque sa sélection dans le cadre de l’Appel à idées mondial du CIFAR.
Qu’est-ce qu’un tel outil de référence pourrait signifier pour l’avenir de l’être humain? Börner imagine un avenir doté d’un programme de «jumeau numérique» lancé à la naissance et utilisé pour prédire la forme physique, la nutrition et les traitements médicaux idéaux pour l’être humain en chair et en os.
«Travailler à cette compréhension de soi nous aidera à résoudre certains des défis les plus urgents auxquels nous sommes confrontés pour améliorer la santé et réduire la souffrance humaine», soutient Bader.
Bien que le programme compte de nombreux objectifs et possibilités de découverte, Teichmann ajoute : «Je pense que beaucoup de nos plus grandes découvertes seront totalement inattendues. »
EXTRÊME UNIVERS ET GRAVITÉ
CORESPONSABLES DE LA RECHERCHE :
VICTORIA KASPI, Université McGill, Canada
LUIS LEHNER, Institut Périmètre, Canada
En 1986, le CIFAR a lancé le programme Extrême Univers et gravité pour percer les mystères du cosmos. Après plus de 30 ans, le programme a été renouvelé pour un dernier mandat.
L’un des nouveaux domaines de recherche passionnants de l’équipe est l’astronomie des phénomènes transitoires qui étudie des événements très variables sur de courtes échelles de temps, c’est-à-dire des choses qui sont là un instant et qui disparaissent l’instant d’après.
Les coresponsables du programme, Victoria Kaspi et Luis Lehner, affirment que les recherches sont très prometteuses, «en particulier compte tenu de la mise en oeuvre prochaine de projets d’instrumentation révolutionnaires»,qui permettront de recueillir des données sans précédent sur le cosmos.
Parmi ces instruments figurent la version améliorée des détecteurs avancés d’ondes gravitationnelles LIGO/Virgo, ainsi que les télescopes satellites de l’Expérience canadienne de cartographie de l’intensité de l’hydrogène (CHIME) pour la détection des sursauts radio rapides (SRR). De nombreux membres du programme sont à la barre de ces deux projets.
Le projet CHIME/SRR, en particulier, est l’un des plus passionnants du programme, explique Kaspi. L’équipe du projet CHIME/SRR passe au crible les bruits de l’espace, ce qui permet d’obtenir des données inédites sur l’un des plus grands mystères de l’astronomie, la compréhension de l’origine des sursauts radio rapides. Kaspi espère que la prochaine grande découverte sera tout aussi révolutionnaire : l’utilisation du détecteur d’ondes gravitationnelles pour contraindre l’équation de la densité de la matière des étoiles à neutrons.
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