Table ronde de l’Initiative canadienne sur les neutrons : Vers une Stratégie nationale sur les neutrons
Par: Johnny Kung
17 Mar, 2021
17 mars 2021
L’innovation en matière d’étude, de conception et de caractérisation des matériaux constitue la clé des progrès dans tout un éventail d’industries et d’applications, qu’il s’agisse notamment des domaines de l’énergie et de la fabrication ou de l’informatique et des soins de santé. Les faisceaux de neutrons représentent un des outils indispensables à l’étude des matériaux. Les scientifiques canadiens ont déjà réalisé une grande partie des travaux d’avant-garde sur l’utilisation des faisceaux de neutrons en recherche et dans les applications, mais le Canada doit maintenant élaborer de toute urgence une stratégie pour maintenir l’accès aux faisceaux de neutrons. Cette situation s’explique par la fermeture de la principale source de neutrons du Canada, le réacteur national de recherche universel (NRU) des Laboratoires de Chalk River, en 2018, et de la fermeture progressive subséquente du Centre canadien de faisceaux de neutrons (CCFN) — organisation nationale de coordination et installation pour utilisateurs — ainsi que de l’expiration de la participation du Canada à la Spallation Neutron Source aux États-Unis.
Le groupe de travail de l’Initiative canadienne sur les neutrons (ICN) s’efforce d’élaborer une nationale sur les faisceaux de neutrons, dirigée par le milieu universitaire, afin de reconstruire la capacité canadienne de recherche au moyen de faisceaux de neutrons. Les 15 et 16 décembre 2020, le groupe de travail de l’ICN, en partenariat avec le CIFAR, a organisé une table ronde virtuelle afin de recueillir des avis sur les principaux éléments de la stratégie auprès d’un éventail de parties prenantes, notamment des dirigeants d’universités, des experts en matière de politiques, des dirigeants de grandes infrastructures de recherche nationales et internationales (y compris des installations neutroniques), des représentants d’organismes gouvernementaux et de bailleurs de fonds, des dirigeants de l’industrie nucléaire et des chercheurs, dont des membres du programmeMatériaux quantiques du CIFAR. Un détaillé sur les résultats de la table ronde est accessible auprès de l’ICN; le présent compte-rendu met en évidence plusieurs messages clés de cette discussion.
Résultats clés et priorités
L’établissement de nouveaux partenariats avec des installations internationales de faisceaux de neutrons donnera aux chercheurs canadiens un certain accès à des faisceaux de neutrons à court terme, permettant ainsi de maintenir une communauté d’utilisateurs de faisceaux de neutrons. Certaines installations partenaires éventuelles exigeraient du Canada qu’il fournisse des fonds pour leur fonctionnement. Les contributions en nature sont également une manière efficace de valoriser le temps d’utilisation des faisceaux, car elles apportent des avantages supplémentaires :
En fournissant des instruments, le Canada est mieux à même de maintenir son expertise dans le développement de technologies pour les instruments neutroniques et de mobiliser l’industrie pour la commercialisation de technologies dérivées.
Une petite équipe d’employés en poste dans des installations internationales pourrait aider à faciliter les projets des chercheurs canadiens, tout en contribuant au fonctionnement et à la planification des installations pour veiller à ce qu’elles répondent aux besoins de la recherche canadienne.
Les sources canadiennes de faisceaux de neutrons, même si elles sont de plus faible luminosité, sont importantes pour conserver un certain niveau d’expertise et de savoir-faire technique qui permettra au Canada de participer aux installations internationales. En plus de permettre la réalisation d’importants travaux scientifiques, ces sources offriront aux chercheurs canadiens, y compris aux étudiants, une formation et une expérience pratiques. Le développement en cours et à venir du laboratoire de faisceaux de neutrons auréacteur nucléaire McMaster permettra d’exploiter pleinement cette source de neutrons particulière et de remplir ce rôle essentiel.
Les installations locales sont également importantes pour les utilisateurs industriels, dont beaucoup ont des projets à petite échelle qui nécessitent un délai d’exécution rapide. En raison de l’incidence de certaines applications sur la souveraineté ou la sécurité, notamment des applications gouvernementales ou de l’industrie militaire, aérospatiale ou nucléaire, il se peut aussi que leur réalisation ne soit pas indiquée dans des installations étrangères.
La recherche de nouvelles formes de sources de neutrons, comme celles basées sur des accélérateurs compacts (plutôt que sur des réacteurs nucléaires), pourrait permettre la construction à moindre coût de nouvelles installations au Canada. Toutefois, ces sources ne remplaceront pas les sources de neutrons de haute luminosité nécessaires à une grande partie de la recherche et du développement, notamment dans le domaine des matériaux quantiques, ni ne répondent à certains besoins de l’industrie nucléaire assurés par les réacteurs, tels que l’irradiation dans le cœur d’un réacteur pour les essais de matériaux et la production d’isotopes. En raison de la diminution mondiale des sources de neutrons disponibles entraînée par le démantèlement des installations plus anciennes, la concurrence pour le temps de faisceau continuera à s’intensifier. Il pourrait se révéler nécessaire, en fin de compte, de construire des sources de haute luminosité au Canada (ou que le Canada contribue à leur construction ailleurs) pour en garantir l’accès aux chercheurs canadiens et d’accroître l’offre mondiale de neutrons.
Un organisme national de coordination qui s’inscrit dans un cadre de gouvernance durable, crédible et représentatif jouera un rôle important dans la stratégie nationale du Canada en matière de faisceaux de neutrons en veillant à l’obtention de fonds de fonctionnement, en concluant des accords avec des installations internationales et en y coordonnant la participation des chercheurs canadiens, en effectuant une planification à long terme et en établissant des priorités, et en créant un consensus au sein de la communauté des chercheurs pour lui permettre de parler d’une seule voix au gouvernement et aux bailleurs de fonds.
Des leçons pourraient être tirées d’autres domaines scientifiques qui reposent sur une infrastructure de recherche collaborative internationale à grande échelle comme l’astronomie, la physique des particules et la communauté des synchrotrons.
Il faudra dès le départ et à un niveau élevé tenir compte des principes d’équité, de diversité et d’inclusion (EDI) dans la formulation d’une stratégie nationale en matière de faisceaux de neutrons. Vu la sous-représentation des femmes, des groupes racialisés et autochtones, et des personnes handicapées dans le domaine scientifique (en particulier en physique), une stratégie nationale devrait prévoir des mécanismes pour accroître leur représentation afin que le domaine puisse bénéficier des idées et du potentiel de chacun.
Comme la recherche dans les installations de faisceaux de neutrons implique souvent beaucoup de déplacements, les groupes sous-représentés, ainsi que les jeunes chercheurs, sont encore plus désavantagés par des facteurs tels que les responsabilités familiales et le manque de ressources. Il faudrait explorer diverses mesures comme un soutien supplémentaire, le télétravail et les outils de simulation.
Si (ou quand) la construction de nouvelles sources de neutrons devait se concrétiser au Canada, la communauté scientifique devra établir un dialogue réel avec les communautés locales et autochtones dès le début. Des leçons (positives et négatives) pourraient être tirées d’autres projets d’infrastructure scientifique, tels que les télescopes terrestres ou letravail lié à la feuille de route sur les petits réacteurs nucléaires modulaires effectué par Ressources naturelles Canada.
Conférenciers et animateurs
Ken Andersen, directeur, direction des technologies neutroniques, Oak Ridge National Laboratory
Jonathan Bagger, chef de la direction, American Physical Society / ancien directeur, TRIUMF
Anne Ballantyne, conseillère en stratégie d’entreprise, Centre canadien d’innovation nucléaire Sylvia Fedoruk
Thomas Brückel, directeur, Jülich Centre for Neutron Science
Karen Chad, ancienne vice-présidente, recherche, Université de la Saskatchewan / ancienne présidente, groupe de travail sur l’Initiative canadienne sur les neutrons
Pat Clancy, professeur adjoint, Université McMaster
Robert Dimeo, directeur, NIST Center for Neutron Research
Alannah Hallas, professeure adjointe, Université de la Colombie-Britannique / chercheuse mondiale Azrieli, programme Matériaux quantiques, CIFAR
Janet Halliwell, directrice, J.E. Halliwell Associates Inc. / présidente du conseil, Centre d’étude sur les politiques scientifiques et d’innovation, Université de la Saskatchewan
Thad Harroun, professeur, Université Brock / ancien président, Institut canadien de la diffusion des neutrons
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