Par: Krista Davidson
29 Nov, 2021
Adam White, titulaire de chaire en IA Canada-CIFAR et membre d’Amii, collabore avec une équipe de recherche qui réunit les titulaires de chaire en IA Canada-CIFAR Martha White et Csaba Svepesvari, de même qu’ISL Adapt, une société d’ingénierie en IA, afin de mettre au point des solutions novatrices de gestion du traitement de l’eau et d’approvisionnement en eau potable des habitants de Drayton Valley, en Alberta.
Même si au Canada la plupart des gens n’ont qu’à tourner le robinet pour avoir de l’eau potable, c’est un réel défi dans la ville de Drayton Valley qui a connu une croissance démographique exponentielle au fil des ans. En 2008, ISL Engineering and Land Services a réalisé une évaluation qui a montré la nécessité d’un approvisionnement en eau potable plus important et plus durable pour servir la population et éliminer l’avis d’ébullition de l’eau qui frappait souvent les résidents de la ville à cause de la grande turbidité dans la rivière Saskatchewan Nord. La recommandation de l’entreprise a mené à l’approbation du financement nécessaire au développement d’une installation de traitement de l’eau à la fine pointe de la technologie, dotée de mécanismes de filtration sophistiqués et durables, d’une capacité de traitement de 18 millions de litres par jour et de 2 800 m³ de stockage d’eau potable supplémentaire pour répondre à la demande croissante de la population.
Au cœur de cette collaboration entre le monde universitaire et l’industrie se trouvent les mécanismes d’entretien de la station de traitement de l’eau pour veiller à son bon fonctionnement, à sa rentabilité et à son efficacité énergétique.
L’équipe de projet d’ISL Adapt a construit une mini station de traitement de l’eau avec un accès à la même source d’eau pour réaliser des expériences et recueillir des données qui permettront à un agent d’apprentissage par renforcement (AR) de prendre des décisions en temps réel, puis d’entretenir et de nettoyer le système, un processus très énergivore.
Le processus de traitement de l’eau met en jeu deux grands systèmes de réservoirs de filtration qui éliminent les contaminants et qui doivent être nettoyés régulièrement. Ce nettoyage entraîne la mise hors service temporaire d’un filtre pendant que l’autre continue de fonctionner. L’équipe de recherche exploite l’apprentissage par renforcement, une forme d’apprentissage automatique qui entraîne des agents au moyen d’un système de récompenses et d’incitatifs, pour prédire la fréquence du processus de nettoyage et rationaliser les services afin de minimiser les perturbations d’approvisionnement en eau potable de la ville. « Pour réaliser nos expériences, nous encrassons les filtres et nous déterminons le nombre de capteurs nécessaires pour suivre les changements opérationnels en temps réel. Voilà le genre de données industrielles en contexte réel qu’il nous faut pour concevoir des algorithmes efficaces dont la mise à l’essai serait impossible dans une véritable usine pour des raisons de sécurité et de réglementation », explique White.
« Du point de vue de l’apprentissage automatique, l’un des problèmes fondamentaux concerne la surveillance de flux de données (relevés de turbidité, pH, conductivité, température et autres données de capteurs), ainsi que leur conversion de manière à ce que l’agent d’apprentissage par renforcement puisse prendre des décisions concernant le processus », poursuit-il.
L’équipe a recours à des méthodes de gradient de politique, un type de technique d’apprentissage par renforcement qui convient parfaitement aux situations nécessitant une prise de décision continue, à savoir la prise de mesures en prévision de récompenses à long terme. Cela permet à l’agent de s’adapter aux types de situations qui pourraient survenir dans une véritable station de traitement de l’eau, comme réagir à des changements dans la clarté de l’eau de la rivière, à des événements météorologiques perturbateurs ou même à des défaillances des systèmes de pompage et à l’encrassement des membranes.
« On dit souvent que l’IA a la mauvaise réputation de supprimer des emplois, mais ce projet ne vise pas à remplacer les gens. Il est possible de reproduire la minicentrale de Drayton Valley, ainsi que son système de contrôle basé sur l’apprentissage par renforcement dans d’autres communautés éloignées confrontées à des problèmes de traitement de l’eau qui entraînent des avis d’ébullition. La construction de grandes usines sophistiquées de traitement de l’eau n’est pas toujours possible; rien ne garantit non plus qu’on trouvera des opérateurs qualifiés pour les faire fonctionner. Si les systèmes de filtration s’encrassent ou si de l’eau contaminée pénètre dans la chaîne de traitement, il n’y aura peut-être pas d’opérateur qualifié pour détecter ces problèmes, ce qui peut entraîner des centaines de milliers de dollars de frais de remplacement de filtres et avoir des conséquences désastreuses pour les petites communautés à budget limité », déclare White.
White travaille à la fois au département d’informatique de l’Université de l’Alberta et chez DeepMind Alberta. Selon lui, l’apprentissage par renforcement (AR) est la forme d’IA la plus proche de l’intelligence naturelle, et le fait que l’AR pourrait combler le fossé entre les deux le motive. Il souligne aussi que l’Amii et le CIFAR ont joué un rôle essentiel dans l’avancement du leadership du Canada en matière d’IA.
« Grâce au financement, au soutien et à la collaboration du CIFAR au fil des ans, le Canada joue un rôle très important dans le domaine de l’IA et de l’apprentissage automatique. J’espère qu’il y aura d’autres collaborations comme celle-ci à l’avenir dont l’objectif sera d’approfondir notre compréhension de l’intelligence humaine et de l’intelligence artificielle », conclut-il.