Les femmes en recherche : Entretien avec Jessica Metcalf du CIFAR
Par : Liz Do
5 février 2024
Quels obstacles rencontrent encore les femmes dans le milieu de la recherche? Jessica Metcalf se joint à un panel dynamique à la Conférence du CIFAR : Les femmes en recherche, le 28 février
Les travaux de Jessica Metcalf n’ont pas toujours porté sur le microbiome. Elle a commencé sa carrière par l’étude de la génétique des espèces sauvages et de l’ADN ancien, à partir d’échantillons de dents et d’os d’espèces menacées et d’animaux disparus de l’ère glaciaire, conservés notamment dans des grottes.
« J’ai ensuite rencontré un scientifique qui souhaitait mettre au jour les microorganismes présents dans les intestins de populations anciennes à partir d’échantillons fécaux bien conservés », explique Metcalf, membre du programme des chercheurs mondiaux CIFAR-Azrieli au sein du programme Microbiome humain. « Voilà comment j’en suis venue à la science du microbiome. »
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Aujourd’hui, les recherches de Metcalf portent sur les interactions entre les microorganismes et les animaux au cours de la vie et après la mort. Tout au long de son parcours universitaire, Metcalf a dû faire face à des défis professionnels et personnels qu’elle a surmontés. Cependant, en tant que femme en recherche, de nombreux défis persistent (les femmes ne constituent que 30 % de la communauté universitaire mondiale).
À l’approche de la Conférence du CIFAR : Les femmes en recherche, qui aura lieu le 28 février, Metcalf s’est entretenue avec le CIFAR au sujet de son parcours et des raisons pour lesquelles il est important de mettre en lumière les obstacles auxquels sont aujourd’hui confrontées les femmes en recherche.
CIFAR : Pouvez-vous me parler de votre carrière en recherche et me faire part de faits marquants, de réalisations et de défis auxquels vous avez été confrontée en tant qu’universitaire?
Metcalf : Dès le début, mon parcours a été atypique. Tout de suite après mes études de premier cycle, j’ai commencé un programme de doctorat, puis j’ai fait deux stages postdoctoraux.
Au cours du deuxième stage, j’ai appris que mon conjoint souffrait d’un cancer, ce qui a bien sûr changé ma vie. J’essayais de trouver une façon de cheminer à travers tout cela, y compris de poursuivre ma carrière scientifique.
J’ai alors accepté un poste de professeure à l’Université d’état du Colorado. J’ai obtenu ma titularisation assez rapidement; je suis très heureuse que cela se soit passé sans trop de difficultés, car mes défis ont continué. J’ai aussi connu un parcours de fécondation in vitro (FIV) assez intense. En 2019, j’ai eu ma fille et mon mari est décédé d’un cancer. Puis la COVID-19 a frappé.
Deux ans plus tard, j’ai décidé de ma propre initiative d’avoir un deuxième enfant par FIV. J’ai donc deux enfants aujourd’hui et je suis monoparentale, ce qui est extrêmement difficile. Néanmoins, j’ai réussi à poursuivre un programme de recherche fructueux et j’ai de formidables collègues ici, à l’Université d’état du Colorado.
Il est très difficile de concilier la vie universitaire et de nombreuses obligations; il m’est difficile de voyager, par exemple. En fait, l’une des choses vraiment géniales au CIFAR c’est l’offre des services de garde d’enfants pour les réunions - une personne peut s’occuper de mes enfants ici pendant que j’assiste à un événement du CIFAR. Ce n’est pas quelque chose que je pourrais me permettre personnellement.
CIFAR : Au fil de votre parcours de recherche, qui ont été vos mentors ou vos modèles?
Au fil de ma carrière, de nombreuses femmes m’ont apporté et continuent de m’apporter leur soutien, notamment Margaret McFall-Ngai, une scientifique extraordinaire qui fait partie de mon programme du CIFAR, ainsi que des cheffes de file de mon établissement, comme Jan Leach, Amy Charkowski et Kelly Wrighton.
Je dirais que, plus fréquemment, je me tourne vers des collègues qui sont mères pour obtenir soutien et encouragement. Tout concilier peut s’avérer extrêmement difficile et il est parfois nécessaire d’échanger avec d’autres pour ajuster les attentes, voir comment se libérer en douceur d’un certain engagement, etc. Je me tourne notamment vers les nombreuses amies que je me suis faites pendant mes études postdoctorales et dans mon poste actuel de professeure, ainsi que vers les personnes que j’ai rencontrées dans le cadre de mon travail à la direction de l’organisation 500 Women Scientists.
Je tiens également à mentionner que j’ai suivi le Faculty Success Program du National Center for Faculty Development and Diversity (NCFDD), commandité par le CIFAR, et que j’en ai retiré d’excellents outils pour rester concentrée et efficace.
CIFAR : Le 28 février, vous serez l’une des panélistes à la Conférence du CIFAR : Les femmes en recherche. Pourquoi avez-vous décidé d’y participer?
Metcalf : Tout au long de ma carrière scientifique, j’ai consacré beaucoup de temps à la défense des femmes en science. Je fais partie de l’organisation 500 Women Scientists depuis sa conception. Par ailleurs, je copréside le Conseil pour l’équité entre les genres de notre faculté à l’Université d’état du Colorado. Dans ce contexte, nous nous penchons sur un certain nombre de priorités différentes, notamment l’amélioration du soutien offert, en particulier aux femmes de couleur, pour lutter contre les préjugés et le harcèlement sur le campus. Je pilote les initiatives visant à améliorer l’aide aux personnes qui ont des enfants sur le campus : je travaille actuellement à modifier le règlement pour permettre une aide temporaire à la garde d’enfants en cas de déplacements liés à la recherche, ainsi qu’à améliorer le congé parental pour qu’il comprenne une libération de service et d’enseignement d’un semestre.
Je passe énormément de temps à servir la communauté, ce qui, encore une fois, est une question très sexospécifique. Mais je pense que ma motivation provient du fait que j’ai à cœur de réseauter avec d’autres femmes qui font face à ces défis, puis de trouver des moyens pour nos universités et établissements d’améliorer les questions de genre, et d’amplifier ce travail à travers des voix plus nombreuses comme celles de l’organisation 500 Women Scientists, ainsi que dans le cadre de diverses opportunités comme le panel de cette Conférence du CIFAR.